Belle gueulePierre Deschavannes n’a pas écrit un roman. Plutôt une confession, une mise à nu. Un cri du cœur qui se lit d’un souffle et laisse une empreinte profonde. Un cri d’amour d’un fils pour son père. Un père bancal, imparfait, paumé, mal aimant qui s’embourbe chaque jour un peu plus dans la dépression, la drogue et l’alcool…

Pierre vit seul avec son père dans une cabane isolée en pleine montagne, loin de tout, loin de tous. Cette vie auprès de son père, il l’a choisie, contrairement à ses deux sœurs qui ont « logiquement » préféré vivre avec leur mère après le divorce. Qu’importe si la maison est un taudis, si son père y erre nuit et jour comme un zombie, si ses phases de lucidité se font de plus en plus rares. Pierre a un besoin viscéral de son père, même si ça fait mal, même si ça le bouffe. Tout comme son père a besoin de lui…

 

« Je crois qu’une mère se porte dans le cœur et un père dans les tripes. »

 

Un cri d’amour oui. Un texte fort et profondément intime qui dit la fascination, la colère, la résignation et tellement plus encore. Un texte bouleversant qui fait toucher du doigt l’intensité d’une relation faite de compromis, de sacrifices, de renoncements et de petits arrangements avec le quotidien… Entièrement dévoué à son père, Pierre se prive volontairement de l’insouciance de son adolescence, englué « malgré lui » dans le marasme dans lequel son père se complait. Ses études en pâtissent mais qu’importe… Pierre est là pour son père, tous les jours.

 

La rencontre entre le lecteur et cette histoire très personnelle est intense. Le choc est brutal, à tel point qu’on pourrait presque se sentir de trop. Mais on reste et on encaisse, fasciné et horrifié par cette relation où l’on ne fait que s’autodétruire. En témoignent les dessins au stylo noir de l’auteur, mélancoliques, brouillons, qui en disent long sur cet amour atypique. A lire…!

 

Une lecture jeunesse que je partage avec Jérôme, comme chaque mardi ou presque. Et vu que ce petit rendez-vous régulier nous tient vraiment à cœur, on s’est offert un petit logo pour fêter ça !

 

 

Le blog de l’auteur

 

 

Premières phrases : « Je me trouve dans la cuisine ce matin-là, à scruter le ciel, lorsque mon père se réveille. Quand il se lève, on a l’impression que la maison va s’écrouler, le vacarme qu’il produit est à peine croyable. Il se cogne contre les murs tout en crachant ses poumons de gros fumeur, parfois il tombe à cause de la cuite de la veille, il lâche une galette dans le lavabo et ensuite va se vider la vessie tout en lâchant un bon gros pet. Je peux vous dire qu’après ça je suis d’attaque.
Une fois les escaliers descendus, il me dit bonjour et me demande si j’ai bien dormi. Mon père me parle très peu, mais chaque matin, c’est la même question : savoir si j’ai passé une bonne nuit. Ce n’est pas grand-chose, mais ça m’aide à passer la journée.
Il est assis devant moi, fume sa cigarette, le regard dans le vide. Un visage ravagé par la vie et l’alcool, c’est un déchet mon père, et pourtant je le trouve beau, je le trouve incroyablement beau. »

 

 

Au hasard des pages : « Quand j’arrive à la maison, mon père est assis dans son fauteuil à regarder une émission de variétés, il est bien éméché, mais il n’a pas l’air de m’en vouloir de rentrer si tard. Il est même plutôt gai, il chante. J’ai l’habitude de ces moments où il peut être lourd. Il monte à fond le son de la télé si un air lui plaît, et il chante en me fixant du regard. Ça me met mal à l’aise. Mais quand même, je suis soulagé de me retrouver à ses côtés après mon escapade, je me sens auprès de lui comme auprès d’un feu de bois. J’écoute sa voix rauque qui semble avoir vécu des siècles, elle vibre en moi et me réchauffe. En général, je n’éprouve pas le besoin de parler. L’écouter respirer, tousser, tirer sur sa cigarette, chanter est pour moi un contact suffisant et apaisant. » (p. 14)

 

 

Éditions du Rouergue (Août 2014)

Collection DoAdo

64 p.

 

Prix : 8,30 €

ISBN : 978-2-8126-0682-3

 

pepites_jeunesse

 

 

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 Challenge 6% Rentrée littéraire

chez Hérisson !

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21 commentaires

Stephie · 16 décembre 2014 à 07h47

P**** il a l’air fort, ce roman… Je ne sais pas, là, pour le coup… Mais un peu plus tard, sans aucun doute…

Sinon, joli logo… Une carte de visite, ce serait pas mal aussi… Mdr !

    Noukette · 24 décembre 2014 à 00h05

    Une carte de visite…? Mais quelle drôle d’idée voyons…! 😉
    Je te le prêterai celui là, il faut que tu le lises…!

Mo · 16 décembre 2014 à 07h57

J’avais vraiment bien aimé. Ravie que tu partages cette impression 😉

    Noukette · 24 décembre 2014 à 00h05

    Pour un premier roman, j’avoue que je suis bluffée !

clara · 16 décembre 2014 à 08h00

je suis tellement imprégnée de Laurent Mauvignier qu’il me faut des livres forts, puissants ! Horreur, il n’est pas à la biblio..

    Noukette · 24 décembre 2014 à 00h06

    Promis, je découvre ce fameux Laurent Mauvignier en 2015 !

luocine · 16 décembre 2014 à 08h30

Livre jeunesse? Les jeunes lecteurs que je connais ne lisent pas ce genre de roman. Mais ce livre s’adresse peut être plus aux parents des jeunes lecteurs .

    Noukette · 24 décembre 2014 à 00h07

    Pour les grands ados plutôt… Les amateurs de lectures fortes seront comblés avec ce genre de roman…

Krol · 16 décembre 2014 à 08h54

Tu donnes très envie de le découvrir.

jerome · 16 décembre 2014 à 12h16

Il est fort ce roman, c’est certain. Un premier roman en plus. Qu’est-ce que j’aime être bousculé de la sorte !

manU · 16 décembre 2014 à 20h29

Je le note dans un coin.

ohoceane · 17 décembre 2014 à 09h54

Lecture jeunesse bien délicate à aborder ! De quoi questionner, faire réfléchir…

    Noukette · 24 décembre 2014 à 00h11

    C’est la lecture jeunesse que j’aime, pas lisse, qui égratigne, qui questionne…

Lunch · 18 décembre 2014 à 11h49

Je me le suis acheté et il faut que je le relise. Ma première lecture date de bien avant le processus d’édition.

Sandrine · 21 décembre 2014 à 08h20

Les livres pour ados que vous choisissez tous les deux sont souvent très durs…

    Noukette · 24 décembre 2014 à 00h22

    C’est vrai. Mais c’est aussi ce que l’on recherche. Des titres forts, chocs, qu’on lit d’une traite et qui laissent des traces… Celui ci en fait partie.

Belle gueule de bois de Pierre Deschavannes | Un Petit Bout de Bib(liothèque) · 3 avril 2015 à 06h50

[…] les avis de Pépita, Nathan, Carole, Kik, Hélène, Noukette et […]

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