conf-babel-affiche-15122015Dans cette jolie université de province (oui bon 😉  elle est un peu mienne alors je la soigne !), ET du Sud de la France, une écrivaine belge est venue donner une conférence. Autant dire un événement rare, bien trop rare qu’il ne fallait point rater !

Cette rencontre organisée par mon laboratoire de recherche a eu lieu le mardi 15 décembre, parfait pour clôturer un 1er trimestre bien chargé et une année bien sombre….

 

Voilà qui était donc sacrément intéressant, d’autant que je ne connaissais ni l’auteure ni ses ouvrages ! Aussi, vite, vite, quelques jours avant cette rencontre, me suis plongée dans ses livres, dont le 1er Comment j’ai vidé la maison de mes parents. Et c’est de ce petit bijou dont je voudrais vous causer aujourd’hui.

 

 

1507-1D’ailleurs, pour tout avouer, je n’étais pas totalement convaincue par ce livre. D’après les informations recueillies sur le net qui disaient, en vrac, et grossièrement résumées, ceci : autofiction, psychanalyse, héritage, chagrin infini, deuils, mort de la mère, désordre des sentiments …. ça n’avait pas l’air follement réjouissant, moi qui avais tant besoin de légèreté.

 

Un aperçu avec la quatrième de couverture : « L’héritage n’est pas un cadeau. Comment recevoir des choses que l’on ne vous pas données ? Comment vider la maison de ses parents sans liquider leur passé, le nôtre ? Les premiers jours, je me persuadai que j’allais « ranger  » et non pas « vider  » la maison de mes parents. Il m’arriva plusieurs fois de prononcer un verbe pour l’autre. Combien sommes-nous à vivre sans en parler à personne ce deuil qui nous ébranle ? Comment oser raconter ce désordre des sentiments, ce méli-mélo de rage, d’oppression, de peine infinie, d’irréalité, de révolte, de remords et d’étrange liberté qui nous envahit ? A qui avouer sans honte ou culpabilité ce tourbillon de passions ? A tout âge on devient orphelin. »

 

Mais c’était sans compter le talent incroyable de cette écrivaine !

Car il s’agit en effet de tout cela mais aussi d’infiniment plus de choses. Écrit dans une langue poétique, ce texte, bouleversant, où chaque mot résonne à l’intérieur, ne ressemble à aucun autre. Un petit rien, qui, malgré le sujet grave, fait un bien fou !

 

Lydia Flem raconte sa propre expérience, travail « lent et inévitable » du deuil, du double deuil et de l’héritage qui en découle. « Comment se peut-il que l’héritage nous autorise en un instant radical à nous saisir de ce qui n’était pas à nous quelques heures plus tôt, à en obtenir la plus totale jouissance, sans restriction, sans transgression ? Comment pénétrer dans des lieux qui n’étaient jusque-là, et depuis notre naissance, pas les nôtres ? Pourquoi pouvons-nous en toute impunité y puiser, y jeter, y détruire, ce que bon nous semble ? Qu’est-ce qui a changé en nous ? Rien, tout. »

 

En vidant la maison, elle accède enfin à l’histoire de ses parents déportés pendant la deuxième guerre mondiale et qui ont toujours refusé d’évoquer ce passé. Un savoir interdit pour leur fille, « entaché d’horreur, de honte, de déni ». Un assourdissant silence. Un passé tu. Sombre. Inexprimable. Une succession de traumatismes vécus avant sa naissance.

Lydia Flem plonge totalement dans les souvenirs, empreintes et vestiges de la vie des siens. Pour renouer avec leur histoire. Avec son histoire. Pour, enfin, rencontrer ses parents.

 

« Pour devenir leur « libre » héritière, il me fallait rompre l’absolu d’un silence dont j’étais depuis toujours l’otage. Écrire devenait une tâche urgente. »

« Je voulais savoir. Non plus être le contenant passif d’une trop grande douleur mais assumer l’histoire qui avait précédé ma naissance, comprendre l’atmosphère dans laquelle j’étais née. Me dégager d’un passé qui était resté entravé dans leurs poumons et m’avait empêchée de respirer librement. »

Et de cette exploration difficile naîtra la délivrance.

 

 

Ce texte, tout en pudeur et en retenue, est d’une beauté incroyable, d’une sensibilité qui tient chaud. Les mots, simples, choisis, sonnent juste. Ils disent l’intérieur, racontent ce qu’on ne dit pas. Questionnent. Et consolent.

 

Un livre précieux à découvrir, à lire et à offrir.

Un livre nécessaire, qui résonne longtemps après l’avoir refermé.

 

 

Premières phrases : «  À tout âge, on se découvre orphelin de père et de mère. Passée l’enfance, cette double perte ne nous est pas moins épargnée. Si elle ne s’est déjà produite, elle se tient devant nous. Nous la savions inévitable mais, comme notre propre mort, elle paraissait lointaine et, en réalité, inimaginable… »

 

Au hasard des pages : « Les choses ne sont pas seulement des choses, elles portent des traces humaines, elles nous prolongent. Nos objets de longue compagnie ne sont pas moins fidèles, à leur façon modeste et loyale, que les animaux ou les plantes qui nous entourent. Chacun a une histoire et une signification mêlées à celle des personnes qui les ont utilisés et aimés. Ils forment ensemble, objets et personnes, une sorte d’unité qui ne peut se désolidariser sans peine. »

 

 

Depuis, j’ai découvert d’autres merveilles : Comment je me suis séparée de ma fille et de mon quasi-fils (2009) et La reine Alice (2011), toujours des sujets graves mais portés par la langue et l’écriture de cette auteure qui sublime les traumatismes de la vie. Qui dit l’espoir et la renaissance. À découvrir de toute urgence, si ce n’est pas déjà fait  😀

 

Vous dire aussi que j’ai eu le plaisir infini de rencontrer cette écrivaine et que cette rencontre a joliment modifié mon regard sur l’auto fiction, les livres, l’écriture et les auteurs (rien que ça !).

 

Et en profiter pour vous souhaiter mes meilleurs vœux pour cette nouvelle année, qu’elle vous soit lumineuse, douce et joyeuse  😉

 

Lydia FLEM, Comment j’ai vidé la maison de mes parents, Seuil, 2004, 13,20€


34 commentaires

Mag · 7 janvier 2016 à 00h14

Bonle titre ne m’ attirait pas, voir me fausait franchement fuir mais là tu l’as donné l’envie d’avoir envie . Je vais le lire c’est sur !

    Framboise · 8 janvier 2016 à 11h03

    Tu vois, mamag, suis sûre que ça va te plaire, te remuer c’est vrai, mais tu vas aimer, je sais 😉

Aifelle · 7 janvier 2016 à 03h27

J’ai beaucoup aimé cette lecture, faite il y a plusieurs années.

    Framboise · 8 janvier 2016 à 11h01

    Ravie que tu aies aimé !
    merci pour petit mot 😉

Aifelle · 7 janvier 2016 à 03h31

PS. J’ai beaucoup aimé aussi « lettres d’amour en héritage ».

    Framboise · 8 janvier 2016 à 11h00

    pas lu encore mais sur ma table de chevet 😉

keisha · 7 janvier 2016 à 07h22

Déjà noté, il est à la bibli, et en plus elle est belge (excellent pour le mois belge, je programme à l’avance, moi). je sais qu’un jour je devrai vider la maison de mes parents (le plus tard possiiiiiiiible!) mais bon, ça a l’air très bien ce livre!

    Framboise · 8 janvier 2016 à 11h00

    J’espère qu’il te plaira 😉 je suivrai ce mois belge qui promet de belles découvertes !

Stephie · 7 janvier 2016 à 08h15

Même si tu en parles bien, je n’ai aucune envie de ire sur cette thématique en ce moment. Des bisous doux

    Framboise · 8 janvier 2016 à 10h57

    Peut être un jour 😉
    après y a d’autres livres, et d’autres sujets !
    mille bises ma belle

Alex-Mot-à-Mots · 7 janvier 2016 à 10h33

Une lecture qui serait trop difficile pour moi, je pense.

    Framboise · 8 janvier 2016 à 10h55

    Je ne sais pas et pourtant, je trouve que ce petit livre a les mots qu’il faut et qui consolent

      Framboise · 8 janvier 2016 à 10h56

      Mais c’est vrai que le sujet, grave est difficile …
      <3

gambadou · 7 janvier 2016 à 10h53

Lu il y a quelques temps, et je me souviens qu’effectivement cela m’avait plu, même si le sujet n’est pas évident. Super cette rencontre.

    Framboise · 8 janvier 2016 à 10h52

    Oui, vraiment une très belle rencontre !
    Et ravie de ton avis 😉

Moka · 7 janvier 2016 à 11h01

Je suis sûre d’avoir acheté ce titre…
Ma soeur doit l’avoir piqué sur mes étagères. Tu me redonnes envie de me plonger dedans.
Bises la Framboise.

    Framboise · 8 janvier 2016 à 10h51

    Merci ma belle et j’espère que tu me raconteras ?!
    (cette canaille de sœur 😉 )
    mille bises <3

Noukette · 7 janvier 2016 à 11h10

C’était pas gagné vu le thème mais j’avoue que je suis très tentée par cette lecture !

    Framboise · 8 janvier 2016 à 10h50

    Ahahaha comme Jérôme, je crois que tu aimerais bcp 😉 si si il y a d’autres livres (je n’ai pas tout découvert, MAIS vais le faire cette année et je te dirai quelle lecture peut être pour toi si tu veux !)

clara · 7 janvier 2016 à 11h52

il me le faut !

    Framboise · 8 janvier 2016 à 10h48

    Tu me diras ???

Jerome · 7 janvier 2016 à 13h11

Mouais… bien sûr tu es super enthousiaste et tu donnes sacrément envie. Mais quand même, autofiction et psychanalyse, ça me fait fuir à toutes jambes !

    Framboise · 8 janvier 2016 à 10h48

    Mouais, je sais, moi-même étais drôlement frileuse et sans cette rencontre, je ne me serai sans doute jamais lancée… à tord ! Tu vois, je crois tu aimerais, vraiment 😉

    Framboise · 8 janvier 2016 à 10h48

    Mouais, je sais, moi-même étais drôlement frileuse et sans cette rencontre, je ne me serai sans doute jamais lancée… à tord ! Tu vois, je crois tu aimerais, vraiment 😉

Eva · 7 janvier 2016 à 13h13

le thème m’intéresse beaucoup, merci de m’avoir fait connaître ce livre, je note 🙂

    Framboise · 8 janvier 2016 à 10h47

    Mais de rien, suis ravie de partager cette si jolie (et inattendue !) rencontre littéraire 😉

Tamara · 7 janvier 2016 à 22h18

Ton enthousiasme est communicatif, chère Framboise ! 🙂 Tu as réussi à m’accrocher, malgré un thème difficile. Bisous (et à Noukette aussi, au passage !)

    Framboise · 8 janvier 2016 à 10h46

    Bisous ma belle <3
    oui, sujet grave et douloureux et pourtant … à découvrir 😉

A_girl_from_earth · 7 janvier 2016 à 22h52

J’avais déjà repéré un billet enthousiaste pour La reine Alice et je me l’étais notée, craignant un peu la thématique tout de même, mais là ton avis sur cette auteure me la rend encore plus intéressante. Je crois que je vais sauter le pas !

    Framboise · 8 janvier 2016 à 10h45

    Je dois reconnaître que les thématiques sont très sombres, et pourtant, je ne sais par quel coup de passe-passe et de génie, le ton reste léger et la lecture facile, sensible et belle ! J’espère que tu aimeras, tu me diras ?

Mo · 10 janvier 2016 à 14h52

Tu parles très bien de ce roman. Vu le synopsis de départ, je ne pensais pas ressentir une certaine curiosité à me plonger dans ce roman mais tu es passé par là ^^ Tentée donc
Bon dimanche madame 🙂

    Framboise · 14 janvier 2016 à 23h34

    Mais oui, je craignais aussi et pourtant, vraiment, c’est un très joli et étonnant ouvrage, qu’il faut, je crois bien, découvrir !
    mille bises demoiselle <3

Solweig So · 20 janvier 2016 à 12h51

J’aime beaucoup le style des extraits que tu as proposés. Je me dis par contre que « comment je me suis séparée de ma fille et de mon quasi fils » me donne plus envie par le titre. Je jetterai un oeil à cet auteur, merci pour la présentation !

    Framboise · 20 janvier 2016 à 13h04

    Oui c’est aussi un très beau livre, sur le lien mère-enfant (mère-fille surtout), profond, simple, vrai 😉 ai bcp aimé ! Tu me diras ?

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