Les belles rencontres sont toujours inattendues. Elles surgissent par surprise, finissent par prendre toute la place, à tel point qu’on finit par se dire que c’était peut-être écrit quelque part. Cette belle connivence, ce lien qu’on ressent, ces mots qui vous parlent…

 

Les mots de Thomas Vinau ont pris le temps de me séduire. Ma première expérience s’était soldée par l’incompréhension. J’ai pris le temps d’y revenir. J’ai découvert le sublime Bleu de travail, le magnifique Ici ça va. Et j’ai embarqué. Totalement. En ouvrant Le camp des autres, j’étais certaine d’y retrouver mes marques. Et oui, tout y est. Tout s’équilibre. Tout s’imbrique. Tout fait sens. On n’oblige pas un fleuve à capituler. On doit se soumettre à sa force, se laisser porter par les flots, même si ça chahute, même si ça tangue. Ils font ça les mots de Thomas Vinau. Ils bousculent et donnent à voir, le beau, le vrai, l’aérien, la terre et ses racines, les liens qui se tissent…

 

C’est l’histoire d’une fuite, d’une survie nécessaire. C’est l’histoire d’un jeune garçon qui ne croit plus en rien, et encore moins aux hommes, une somme de blessures, une vie entière à panser. La forêt sera son abri, et Jean-le-blanc son sésame vers une renaissance. Il est secret Jean-le-blanc, taiseux, énigmatique, peut-être un peu fou, peut-être un peu sorcier. La forêt est son antre, il en connaît les moindres recoins, les moindres secrets et n’en enfreint jamais les règles. Autour de lui, gravite une étrange bande. Des gens de peu, des saltimbanques, des terriens, des hommes libres. Et dans leur sillage, une idée de ce que pourrait être cette famille qu’on se choisit…

 

« Chacun, déraciné de rien, adopté de la veille, a dessiné sa froidure dans le ventre des autres. Et ça a fait une famille. »

 

Thomas Vinau refait l’histoire et évoque à sa manière inégalable la Caravane à Pépère qui a « sévi » au début du XXe siècle. Une cour des miracles, des errants, des habitants de la Terre, sans foi, ni loi, ni maître. Des chapardeurs, des voleurs, des insoumis qui évoluent à la marge et marchent sur les bas côtés. Ça fait peur tout ça, ça fait tâche, ça se cache, ça s’enferme. Pour se faire, Georges Clémenceau créera les Brigades du Tigre… Et l’histoire, toujours, se répète…

 

J’ai tout aimé dans ce roman parce qu’il contient le monde. Les révoltes intimes font écho à l’indignation d’un monde qui change, la colère gronde, les rêves sont immenses, la terre se fait refuge et lieu de tous les possibles. « J’ai voulu écrire la ruade, le refus, le recours aux forêts ». C’est réussi monsieur Vinau tant votre texte, fulgurant de beauté brute, vibre et fait écho. J’ai rejoint le camp des autres… ♥

 

 

« La nuit est notre règne, la forêt notre patrie. Nous sommes les fils des bois perdus, de la route, de la boue des chemins. Nous sommes les fauves en exil. Les apatrides. Les moins que chien. Nous sommes les rats et les renards, les hérissons, les ailes tranchantes du grand-duc. Nous sommes les yeux de la mule aux flancs lacérés. La chair à canon et à usine, la viande pour leurs grosses dents. Nous sommes les invisibles, le choléra, le nègre, l’ongle noir de Satan. Nous sommes la famille de vos sacrifices, les cornus, les sauvages, les bouffeurs sombres, les récalcitrants. Nous sommes le vent qui souffle sur les braises, les morts pour rien dans la brume de l’Empire, la rage des chiens. Venez avec moi, je vous offre l’outrage, la brûlure, la ruade, le galop. Je vous offre la liberté des flammes sans lumière. »

 

Éditions Alma (Août 2017)

193 p.

 

Prix : 17,00 €

ISBN : 978-2-36279-217-5

By Hérisson

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14 commentaires

Aifelle · 5 novembre 2017 à 06h20

Je suis d’accord avec tout ce que tu as écrit 🙂 Un de ses meilleurs livres à ce jour.

keisha · 5 novembre 2017 à 07h59

Tu en parles magnifiquement, en effet!

Fanny · 5 novembre 2017 à 08h11

« Ici ça va » m’avait plu mais… Est-ce qu’il était trop court? Est-ce que j’en attendais trop… Je ne sais pas . En tout cas je suis restée sur ma faim.
Celui-ci a l’air plus épais ?

Tu en parles tellement bien que tu me donnes envie de ressayer avec cet auteur.

Leiloona · 5 novembre 2017 à 09h37

Elle est superbe ta chronique, ça valait le coup de l’attendre ! ♥

Emma · 5 novembre 2017 à 10h11

Tu en parles très bien 🙂 mais à part Aifelle les avis lus sont plutôt contrastés. A voir, j’essaierai sûrement un jour.

framboise · 5 novembre 2017 à 10h24

Moi j’aime tout de ce jeune homme ! Mais ce dernier est un bijou <3 Et tu en causes si bien <3
Un très joli dimanche ma copine <3

gambadou · 5 novembre 2017 à 19h00

J’aime beaucoup l’écriture de cet auteur mais j’hésitais parce que j’ai vu des critiques moyennes. Bon, je le note dans ma (longue) liste

Didi · 5 novembre 2017 à 21h13

♥♥♥
🙂
Bisous

krol · 6 novembre 2017 à 09h47

Ouah ouh ! Quelle magnifique chronique ! Tu sais trouver les mots qui disent sans dévoiler.

Alex-Mot-à-Mots · 6 novembre 2017 à 13h54

La première partie dans la forêt m’a paru particulièrement longue.

Valérie · 6 novembre 2017 à 20h28

Cet auteur m’attire snas que je ne franchisse le pas. Je’ai peur de ne pas être à hauteur, je crois.

Jerome · 7 novembre 2017 à 17h54

Commencé hier soir, je te dirais si je suis aussi enthousiaste que toi :p

Sandrion · 7 novembre 2017 à 20h25

Argh tu ne fais que renforcer mon envie de lire ce dernier livre de Thomas Vinau, en plus depuis que j’ai eu la chance de le rencontrer je veux tout lire au fur et à mesure !!

Mo · 8 novembre 2017 à 06h54

I need ! (je fais dans le concis et l’explicite Madame 😛 ) Je note donc ce titre de ce pas !

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