Trois militaires émergent de leur caserne à Arras, dans le nord de la France. Un colonel, un sergent et un simple soldat. Minuit est proche, il fait un froid mordant. Les hommes se dirigent vers une ambulance de l’armée garée à côté du portail d’entrée ; le colonel s’assied à l’avant avec le sergent, le soldat monte à l’arrière. Le sergent démarre le moteur et une sentinelle ensommeillée leur signifie d’un geste de passer puis de s’engager sur la route.

Comme la camionnette s’élance en cahotant sur l’asphalte défoncé, le jeune soldat s’accroche à une sangle qui pend du toit. Il est agité, et le tressautement n’arrange rien. Cette soirée exécrable a un goût de punition : quand on l’a réveillé, il y a quelques minutes, on lui a simplement intimé de s’habiller et de sortir. Autant qu’il puisse en juger, il n’a rien fait de mal, mais l’armée est retorse. Durant les six mois qui ont suivi son arrivée en France, on ne lui a souvent expliqué qu’après coup comment et pourquoi il avait contrevenu. »

 

Cinq jours de novembre. Cinq jours minuscules. En 1920. En Angleterre. Cinq jours avant la célébration du Soldat inconnu, rapatrié depuis la France, déterré, exhumé « des zones principales de l’intervention britannique sur le front occidental. »

A Londres, trois femmes : Hettie, Evelyn et Ada. Toutes trois sont liées à l’horreur de la guerre, toutes cherchent à vivre malgré tout, dans un pays qui pleure ses morts. Et punaise que c’est beau ! Ce roman est un coup de cœur total, une émotion infinie, avalé d’un coup ! L’écriture est belle, juste, empreinte d’une formidable énergie, empreinte de douleur et de chagrin, mais de vie surtout. Et d’espoir.

Et ce sont ces femmes qui tiennent le récit, ces femmes dont on parle si peu, ces femmes dont les douleurs liées à cette première guerre mondiale sont totales. Un gouffre. Certes, elles n’ont pas combattues. Elles sont restées là, chez elles, à attendre. La fin de la guerre. Le retour d’un des leurs. Un fiancé, un fils, un frère…. Elles n’ont pas le droit de se plaindre, elles doivent vivre, envers et contre tous, avec leurs blessures, leurs morts, leur solitude, leur désespoir… Vies brisées. Destin de femmes. Qui, malgré le chagrin, se tiennent debout.

Comment se reconstruire après le traumatisme qui dévaste tout ?

Que peut cette cérémonie-hommage ? Peut-elle aider les gens à se sentir mieux, à faire leur deuil, à croire encore, à vivre tout simplement ?

Sublime roman sur la mémoire et sur les femmes, les oubliées de la Grande Guerre. On pourrait croire que ce récit poignant est un brin désespéré, mais que nenni ! Grâce à la plume légère d’Anna Hope qui donne la parole à celles et ceux que l’on entend si peu, ce roman plein d’humanité est d’une beauté à couper le souffle. A lire ABSOLUMENT !

Merveille d’entre les merveilles, découverte grâce au Grand Prix des Lectrices de ELLE ♥

 

«  A présent, dans cette rue froide, elle prend conscience d’une chose. Que cette rencontre était ce qu’elle attendait, que quelqu’un partage sa vérité avec elle. Après quatre ans de guerre et encore deux ans d’anciens soldats, jour après jour, c’est ça qu’elle voulait, c’est ça qu’elle recherchait. Pas sa gaité, ni sa bravoure, ni sa colère, ni ses mensonges. En quatre ans de guerre et deux ans de contrecoup, personne – ni Fraser ni son frère -, personne n’avait partagé sa vérité avec elle. »

 

Éditions Gallimard (Janvier 2016)

Collection Du monde entier

Traduit de l’anglais par Elodie Leplat

400 p.

 

Prix : 23,00 €

ISBN : 978-2-07-014725-0

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10 commentaires

MYMY · 21 novembre 2016 à 07h51

J’ai aussi beaucoup aimé ce premier roman très prometteur !MYMY

http://cousineslectures.canalblog.com/archives/2016/01/29/33280451.html

Jerome · 21 novembre 2016 à 12h28

Quel enthousiasme ! On te sent touchée coulée sur ce coup-là.

Laure · 21 novembre 2016 à 12h38

Absolument tu dis ?! Bon, bon, ok 🙂

Edyta · 21 novembre 2016 à 20h46

C’était aussi mon grand coup de coeur. Un magnifique premier roman.

krol · 21 novembre 2016 à 21h25

Et bien dis donc ! quel enthousiasme !

Noukette · 21 novembre 2016 à 21h39

Je suis persuadée qu’il pourrait me plaire celui là !

Nicole G · 22 novembre 2016 à 17h25

Superbe roman, et une auteure hyper intéressante que j’ai eu la chance de rencontrer en début d’année. Je ne voudrais pas influencer le jury mais ça ferait un bien joli Grand Prix des lectrices de ELLE !

Moka · 25 novembre 2016 à 22h54

Voilà qui m’a tout l’air d’un très beau titre servi par une très belle chronique !

Julia · 3 décembre 2016 à 18h45

Superbe roman en effet ! Une jolie écriture pour décrire ces personnages brisés. Hommes et femmes, personne n’y a échappé.
Merci pour la découverte 🙂

dasola · 20 mai 2018 à 09h04

Bonjour Noukette, avec plus d’un an de retard, j’ai découvert ce roman: très bien. Anna Hope est une grand conteuse. La salle de bal, le suivant m’a aussi beaucoup plu. Bon dimanche.

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