mauvais joueurs« Je m’appelle Marceau Janvier. Marceau. Comme le mime. Comme le prénom inscrit sur mon extrait de naissance. Maman le range prudemment dans le tiroir du buffet avec les autres documents importants. Maman y tient. Marceau, c’est la preuve que j’existe. On dit peu de choses sur moi. Dans la famille, on ne parle pas des uns et des autres. Dans la famille, on préfère jouer. Des jeux de rôles, des jeux de société, des jeux d’enquête, avec des pièges et de vraies surprises. Moi je m’en méfie. Mais on me force à participer. Alors, je joue avec eux. Parfois, je me contrains à rire. »

Dans la famille Janvier, Marceau fait de la figuration. Obligé de jouer un rôle dans cette famille de carton-pâte qui préfère faire semblant plutôt que vivre réellement, qui fait même parfois semblant de s’aimer. Mais si Marceau n’a jamais aimé jouer, depuis tout petit il a compris les règles du jeu. Être discret, se faire tout petit, plaire à son père et sauver sa mère. Une mère friable, une funambule fragile « au regard de boussole ». Elle est sa seule béquille, celle qui malgré elle l’aide à grandir un peu droit, même si elle tangue, même si elle vacille et tente bien trop souvent de s’extraire du monde…

« Maman est une mère flamant rose. Elle protège son clan, enracinée dans le sol, en perdant du rose. »

Marceau grandit dans « une famille sans histoires, cherchant l’adjectif ». Au jeu de dupes de la famille parfaite, l’adolescent avance son pion en ayant conscience des non-dits et des faux-semblants. Il apprend à mentir, à sourire pour de faux, à rentrer dans la norme de ce qu’on voudrait qu’il soit, en cherchant de plus en plus à s’affranchir des règles qu’on lui impose. Sa mère se réfugie dans un monde auquel il a de moins en moins accès, il va falloir qu’il avance seul. Sans protection. Et affronter le père. Il est peut-être temps de mettre les voiles. Il est peut-être temps de faire enfin valser l’échiquier…

Mauvais joueurs est un roman qui se mérite. On y entre sur la pointe des pieds, observateur indiscret d’une famille qui se ment. Dans l’ombre, Marceau tisse les fils de son histoire et de son émancipation. Il revient sur les épisodes clés d’une enfance et d’une adolescence qui ont forgé celui qu’il est devenu. Petit à petit, le puzzle se reconstitue.

La construction est impeccable, la voix douce-amère de Marceau très juste, et le parallèle avec le jeu extrêmement bien vu. « La partie, la revanche, la belle. » Les trois parties du roman épousent l’évolution, la révolution de Marceau, de son enfance à une indépendance salutaire.

Un texte très introspectif, tout en nuances où on joue pour de vrai des vies qu’on perd pour de faux. J’en ai aimé la langue, la langueur, la réflexion affutée sur la famille et les liens qui s’y jouent. Pour autant, je suis curieusement restée assez détachée du sort de Marceau. J’ai attendu l’émotion, elle n’est venue que par bribes… Je me demande quel accueil les adolescents réserveront à ce roman. Certains risquent d’y perdre pied, d’autres y reconnaitront sûrement leurs doutes et leurs angoisses. Une lecture qui suppose tout de même une certaine maturité pour pouvoir en apprécier toutes les saveurs…

Un roman inclassable qui suscite la réflexion que je partage avec Jérôme, comme chaque mardi ou presque…

Pépita est passée à côté

Éditions Actes Sud junior (Août 2016)

Collection Roman Ado

160 p.

 

Prix : 13,20 €

ISBN : 978-2-330-06640-6

pepites_jeunesse

challenge12016br

14/18

Challenge 1% rentrée littéraire catégorie « Touche à tout »

chez Hérisson et Léa Touch Book


8 commentaires

fanny · 27 septembre 2016 à 08h37

Il est vraiment pour les jeunes ? Il ne semble pas facile à lire.

framboise · 27 septembre 2016 à 08h45

Il m’intrigue ton billet ! Je vais voir du côté de chez Jérôme 😉
Bisous copine <3

Saxaoul · 27 septembre 2016 à 09h56

J’aime beaucoup cette collection. Ce que tu dis de ce livre m’intrigue.

Eric ther Tiger · 27 septembre 2016 à 12h24

Malgré la curiosité générée par la lecture de ton article, je pense que je vais passer mon chemin. Au plaisir de te relire…

Jerome · 27 septembre 2016 à 13h09

Je ne sais pas comment il serait perçu par des ados. C’est un roman très étrange, on ne sait pas vraiment où il veut nous emmener. Mais au final j’ai aimé cette prise de risque, c’est le principal !

Alex-Mot-à-Mots · 27 septembre 2016 à 15h40

Est-ce que nos ados vont accrocher ?

Gwenaelle · 27 septembre 2016 à 19h12

Tu sembles y être entrée davantage que Jérôme, mais pas tout à fait assez pour que l’émotion s’installe. Un livre trop bien écrit, trop travaillé peut-être? Ou bien un auteur qui a puisé dans sa propre histoire mais sans oser aller trop loin?

Moka · 29 septembre 2016 à 22h15

Voilà qui éveille ma curiosité. D’autant que ce thème m’intéresse.

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