Mon voisinUne rencontre hors du temps…

 

Comme beaucoup, j’ai découvert Milena Agus à la lecture de Mal de pierres, véritable petit bijou qu’on lit comme dans une bulle, mais qu’on savoure doucement de peur de voir arriver trop vite les dernières pages. En arpentant les rayons de la bibliothèque sur mon lieu de vacances, je tombe sur ce livre de l’auteur dont j’ignorais totalement l’existence, très court, tout juste 50 pages… Sans même lire la quatrième de couverture, je l’embarque avec un sourire…

 

Voilà…, une petite demi heure de lecture et que reste-t-il ? Des impressions d’abord, la force d’une écriture toute simple en apparence, une fluidité… Des images aussi, l’Italie écrasée par un soleil de plomb, les rues typiques de Cagliari, les senteurs de l’été… Et des personnages dont on ne connaîtra jamais les noms tout au long de cette petite histoire. Cette femme dépeinte par Milena Agus est seule, comme à l’abandon, et veut en finir avec la vie. Seule ? Pas vraiment : elle a un fils de 2 ans qui à son âge ne sait ni marcher, ni parler. Mais il est si souriant, si gai, et après tout les médecins disent qu’il est en bonne santé, alors pourquoi s’en faire ? Seulement ce serait tellement mieux s’il était élevé dans une famille « normale », comme celle d’une de ses soeurs par exemple… Elle imagine alors le suicide parfait, la délivrance pour elle mais qui ne serait pas un poids pour les autres : faire croire à un banal accident, glisser dans sa baignoire en voulant changer le rideau de douche…

 

Un ami qui vous veut du bien…

 

Oui mais… Arrive dans sa vie bancale le voisin d’en face. Un seul mur les sépare, il a lui aussi un fils, plus âgé, légèrement turbulent. Un jour, ce fils en quête d’attentions va escalader le mur et finir par passer ces journées avec cette femme en mal d’amour… Et la nuit, c’est le voisin qu’elle retrouve pour de longues discussions, elle sur son balcon, lui à califourchon sur son mur…, et tout change.

 

On est comme en apesanteur en dégustant ce petit bijou où finalement rien ne se passe, et pourtant… Tout est d’une infinie douceur, d’une extrème poésie. Vous l’aurez deviné, j’ai été charmée par cette lecture impromptue à une heure elle aussi impromptue dans une maison endormie avec pour seul bruit de fond celui d’une rivière de montagne…

 

Premières lignes : « Le voisin, elle l’avait rencontré un jour alors qu’avec son petit elle rentrait de promenade. Il était très beau. Et ensuite, toujours à la même heure. Elle arrêtait la poussette et le fixait sans retenue. Mais lui ne les voyait pas, même quand la rue était vide. »

 

Au hasard des pages : « Vivre était vraiment terrible. Bien sûr pas toujours. Il y avait eu pour elle aussi des moments où elle avait désiré vivre. Par exemple quand le père du bébé lui parlait en enroulant autour de ses doigts ses cheveux qu’elle avait très longs, ou quand ils allaient manger des pizzas et qu’ils s’asseyaient l’un près de l’autre et les choisissaient différentes parce que, de toute façon, ce qui était dans l’assiette de l’un était aussi à l’autre, ou dans les excursions à la montagne, lui, attentif, derrière dans les montées, devant dans les descentes, ou bras dessus bras dessous en ville, parce que le père du bébé marchait vite et elle lentement, et alors elle s’accrochait et se laissait entraîner par ce doux courant, ou au lit : comme il lui plaisait, au lit.

Le petit en ce temps-là n’existait pas, il était encore sur quelque planète accueillante où personne ne parle ni ne marche, et tout le monde trouve ça normal.

Elle aurait dû mourir à ce moment-là. Avant que le père du petit ne cesse de la désirer et de s’inquièter pour elle et de la traîner avec douceur, et que le petit n’arrive sur notre planète où tout le monde s’attend  ce qu’on parle et marche. »

 

Traduit de l’italien par Françoise Brun.

Editions Liana Levi, collection Piccolo.

 

 

 


importorigin:http://aliasnoukette.over-blog.com/article-mon-voisin-milena-agus-54616094.html

Catégories : Littérature étrangère

6 commentaires

Commentaire n°1 posté par Stephie · 29 juillet 2010 à 10h04

Une sensation de trop court pour ma part. C’est avec ce texte que j’avais découvert l’auteur et sa plume.

    Noukette · 29 juillet 2010 à 14h25

    J’ai vu après avoir publié mon billet que tu avais lu ce titre il y a quelques temps déjà. C’est vrai que c’est court mais on retrouve bien ce qui fait le « petit plus » de l’auteur…

Commentaire n°2 posté par calypso · 29 juillet 2010 à 11h52

Je n’ai jamais lu Milena Agus mais il va vite falloir que j’y remédie !

    Noukette · 29 juillet 2010 à 14h28

    A lire pour se faire son propre avis ! Certains n’aiment pas du tout ce genre d’écriture du quotidien… Merci d’avoir visité mon « bébé-blog » !! ;))

Commentaire n°3 posté par Cynthia · 29 juillet 2010 à 15h12

J’avais moi aussi beaucoup aimé « Mal de pierres » et j’ai du coup acheté « Battement d’ailes » que je n’ai pas encore lu.
Si je croise le voisin, je l’embarque 😉

    Noukette · 29 juillet 2010 à 15h46

    Oui, embarque le voisin…Si tu as une petite demi heure devant toi, ça se lit d’une traite…!

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