Qui sait, au fond, ce qui se cache dans l’intimité des couples ? Ce qui se murmure une fois les portes closes, dans les replis bien lisses des existences bien ordonnées…? Qui sait, finalement, les rages qui tordent le ventre, cette impuissance à dire, à même s’avouer, que le ver est dans le fruit…?

Mais l’amour a ses raisons. Et parfois le silence est de mise. Pour garder intact le vernis des apparences, pour se mentir à soi-même, pour taire les morsures qu’on accepte sans mot dire…

 

Émilie ne dit rien. Elle accepte la vie reculée dans une campagne morose où Bernard son mari a voulu s’installer pour, dit-il, faire plaisir aux enfants. Mais les enfants ont quitté le nid. Restent des airs de vie tranquille, le calme des matins que rien ne semble pouloir perturber, cette vie à deux enfin retrouvée…

 

Émilie ne dit rien. Elle accepte avec le sourire ces « amies » que son mari lui emmène pour qu’elle ait, dit-il, un peu de compagnie. Un peu de joie dans la maison, des talons qui claquent, des valises qu’on ouvre, une connivence, une intimité à peine cachée. L’ennemi est dans la place. Il s’installe, sourit à l’envi, donne le change. Un jour, l’homme se lassera. Et l’ennemi partira. Mais un autre le remplacera… d’autres talons, d’autres sourires, d’autres mensonges. Et Émilie, encore, ne dira rien…

 

« Le temps n’effaçait rien, un mensonge de plus. Le temps émoussait les forces, les ressources. Le temps amoindrissait, écrasait, rendait muet. Les instants se nouaient les uns aux autres comme des maillons d’une chaîne très solide, qui entrave les mouvements, la fuite. »

 

Alma Brami m’a prise par surprise… Dans ce roman qu’on lit d’un souffle, les pièces du puzzle s’assemblent dans une ingénieuse chorégraphie. Mal à l’aise dans son statut de voyeur indiscret, le lecteur se fait témoin impuissant d’un piège qui se referme de façon implacable. Dans ce huis clos vertigineux de noirceur et d’ironie, l’auteure trace les contours d’une existence en pointillées, d’une vie entre parenthèses régie imperceptiblement par un bourreau qui ne dit pas son nom.

 

Brillant. Bluffant même. Je découvre la plume d’Alma Brami et je suis plus que séduite. La voix s’élève, dessine le carcan d’une vie en cage où la prisonnière qui s’ignore peine à briser des liens qu’elle tolère par habitude. Elle scande le couple fissuré, les traitrises et les bassesses. Alma Brami manie à merveille l’art du dialogue et des mots qui percutent, étonne et déroute par ces chemins inattendus qu’elle choisit de prendre pour nous raconter cette histoire dont on est loin de s’imaginer le dénouement. Chapeau !

 

Éditions Mercure de France (Août 2017)

Collection La Bleue

164 p.

Prix : 16,80 €

ISBN : 978-2-7152-4535-8

 

By Hérisson


21 commentaires

framboise · 25 août 2017 à 09h13

Ohhhhh ce billet copine, quel diabolique tentateur !
Je lirai, aime bcp bcp bcp cette auteure héhé :-p

Margotte · 25 août 2017 à 09h58

Une ambiance vénéneuse qui pourrait bien me tenter ! Et comme je n’arrive pas à me décider devant les flots de livre qui se déversent chez mon libraire, pourquoi pas celui-ci ? Beau billet 🙂

sandy lafosse · 25 août 2017 à 09h58

La lecture du roman d’Alma Brami est déjà prévue chez moi, mais ton billet me donne envie de le lire plus vite que prévu 🙂

luocine · 25 août 2017 à 10h39

je connais trop ce genre de situation dans ma province pour la lire en roman.

Nicole G · 25 août 2017 à 18h07

Je ne connais pas la plume d’Alma Brami, tu me donnes envie de la découvrir avec ce livre…

gambadou · 25 août 2017 à 19h03

Pas trop envie de lire sur ce thème

Leiloona · 25 août 2017 à 19h34

Ah tu m’intrigues du coup !
Mais brrr ça fait pas un peu froid dans le dos tout ce silence derrière une tempête ?

Jérôme · 25 août 2017 à 19h43

Pourquoi pas, l’ironie et les dénouements qu’on ne voit pas venir, j’aime !

Sandrine · 26 août 2017 à 07h21

J’au du mal avec ce genre de romans si réalistes…

Moka · 26 août 2017 à 08h17

Brillant? Bluffant? Je note. Évidemment?

Virginie · 26 août 2017 à 08h43

ça m’intrigue cette histoire, et si en plus tu es bluffée !..

Alex-Mot-à-Mots · 26 août 2017 à 15h03

Que de suspens, tu m’en mets l’eau à la bouche.

Violette · 26 août 2017 à 15h43

le thème ne m’inspire pas plus que ça mais tu en parles si bien! 🙂

Valérie · 26 août 2017 à 20h11

Eh bien, je n’avais pas repéré ce roman mais tu me tentes.

lasardine · 26 août 2017 à 21h50

ho lala!! déjà qu’il me faisait envie, mais avec tes mots dessus… encore plus!

Cristina · 27 août 2017 à 10h32

Et bien tu as les mots qui percutent toi aussi !
Ouh là là je le note !

Antigone · 27 août 2017 à 10h43

Une auteure pas lue encore et il me semble avoir aperçu d’autres avis positifs. Noté !

Léa Touch Book · 27 août 2017 à 17h03

Ce livre m’intrigue de plus en plus 🙂

Cristie · 28 août 2017 à 07h23

Comment veux-tu qu’on résiste ???

L'ivresse littéraire · 31 août 2017 à 13h16

Il ne faisait pas partie de mes repérages, je commence à le voir fleurir. Le thème peut assurément m’attirer et je n’en lis que de bons échos, ta chronique a fini de me convaincre.

Joelle · 31 août 2017 à 17h45

Complètement bluffant ! J’ai trouvé l’auteure particulièrement habile dans la construction du récit

Laisser un commentaire

Emplacement de l’avatar

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *