trop tôt« Tomber enceinte. C’est étrange quand on y pense d’ailleurs, cette expression. Tomber enceinte. On dit aussi tomber amoureuse. Pourquoi la langue française fait-elle toujours tomber les êtres humains dès qu’il s’agit de traduire leurs émotions fortes ? Tomber enceinte convient bien quand la grossesse n’est pas une bonne nouvelle, mais quand je vivrai un grand amour et que je serai prête à accueillir un bébé, un joli bébé, pas la poupée Chucky, alors le verbe « tomber » ne sera pas adapté. Voler enceinte sera plus juste. Et j’espère que cela m’arrivera. »

 

Rien n’était prémédité. Ces regards qui s’aimantent, ces mains qui se cherchent, ces corps qui se trouvent. Ce désir qui submerge, là, au creux du ventre, ce frisson qui dévaste tout sur son passage, comme une vague. Pia ne se doutait même pas que ça pouvait exister… Et le temps s’arrête. Figé. La jeune adolescente se donne à ce garçon qu’elle connaît à peine, aveuglée par ces sensations qu’elle ressent pour la première fois et qui la font se sentir vivante…

 

Le lendemain, un coup de tonnerre. Pia découvre que ce qu’elle a vécu comme un moment de grâce, hors du temps, n’est qu’une parenthèse sans importance pour Nathan. Un coup d’un soir, elle n’était qu’un coup d’un soir, un de ceux qu’on oublie vite et qui ne laisse aucune trace… Si seulement…

 

Trop tôt n’est pas un énième récit sur l’avortement, il est bien plus que ça. Jo Witek ne fait pas dans la caricature et n’a pas peur d’aborder de façon très directe la notion encore tabou de désir et de plaisir chez les adolescentes. Pia perd la tête, se laisse guider par son corps et par ces émotions nouvelles qui naissent en elle, fulgurantes. Jusqu’à en oublier les règles élémentaires de précaution… « Moi, je ne veux pas qu’on me pardonne. Je veux qu’on accepte. Je veux qu’on dise l’amour fait perdre la tête et les cours d’éducation sexuelle devraient être accompagnés d’autre chose que d’un kit de prévention des risques. Capote-pilule-MST. Tu parles d’un triptyque ! C’est comme ça qu’on nous parle de la première fois. Rien sur les frissons, les émotions, rien sur la force des désirs. Partenaire, orgasme, rapport. Contraception, fécondation. Les mots pour dire la sexualité sont si laids. C’est sans doute pour cela, qu’ils provoquent tant de malentendus. »

Les conséquences, elle les assumera. Tout comme elle assumera ce désir violent qui l’a poussé dans les bras de Nathan… Évidemment dépassée par les évènement, Pia fait face. Grâce à sa mère, à sa cousine et à cet ami inattendu dont le chagrin vient curieusement faire écho au sien…

 

Rien à jeter dans ce court récit. Trop tôt est un texte d’une rare puissance, incisif et brutal. Jo Witek va à l’essentiel, elle dit l’émotion vive, les sentiments contradictoires, la colère, la honte. La peur… Et ça prend aux tripes… Un livre précieux, intelligent et bouleversant à glisser entre les mains de toutes les adolescentes

 

 

L’avis d’Hélène, celui de Thalie

 

Et une nouvelle pépite jeunesse que je partage avec Jérôme, comme chaque mardi ou presque..!

 

 

Premières phrases : « J’ai entrouvert la fenêtre arrière de la voiture à cause des nausées. Ma mère conduit. sa nuque est raide. Elle traverse les vignes les deux mains sur le volant. Pas un regard dans le rétroviseur. Pas un mot pour moi. Juste le silence étouffant et cette odeur de raisin écrasé sur la chaussée glissante. Les vendanges ont déjà commencé. La route est toujours visqueuse à cette période de l’année. Les accidents sont si vite arrivés. Je n’ai pas vu la rentrée passer. J’avais autre chose en tête. Quelque chose dans le ventre qui a pris toute la place. Qui m’a anéantie. Ce n’est pas ce que je voulais. Pas tout de suite. Pas à quinze ans.

Comment appeler ça ? Une bêtise ? Une inconscience ? Une faute ? Je me moque des mots comme des jugements. C’est juste que ma mère roule vite, qu’il pleut et que j’ai peur. »

 

Au hasard des pages : « Le désir amoureux, comme la mer, n’était pas sans danger. Fascinant, hypnotique, rassurant vu de loin, mais parfois, comme la mer, il prenait des vies, brisait des corps et ravivait des manques. Seule, face à la mer, j’ai pu pleurer. Retrouver mes esprits et me dire que même s’il n’avait pas été sans risque, ce voyage avec Nathan avait valu le coup. Face à la mer, j’ai compris que cette nuit d’amour, volée à mes vacances en famille, était mon premier choix d’adulte. Qu’il fallait l’assumer. Que c’était ça grandir. S’embarquer et essuyer des tempêtes.

Je ne savais pas encore qu’un second tsunami allait s’abattre sur moi et que, cette fois, je n’aurais pas la force de le supporter toute seule. » (p. 35-36)

 

 

Éditions Talents Hauts (Avril 2015)

Collection Ego

 96 p.

 

Prix : 7,00 €

ISBN : 978-2-36266-126-6

 

 

pepites_jeunesse


16 commentaires

Cristina · 12 mai 2015 à 07h09

Je suis convaincue et très bien de soulever l’idée qu’à l’école il faudrait que le sujet soit moins tabou… Mais aussi en parler plus librement avec ses parents…

Je note comme une évidence…

Merci 😀

    Noukette · 14 mai 2015 à 16h49

    Merci à toi Cristina, toujours un plaisir de te croiser ici ^^

Stephie · 12 mai 2015 à 07h32

Ca, c’est le jeunesse que je dois lire !!

Moka · 12 mai 2015 à 07h46

Je note pour mes trolls.

Jerome · 12 mai 2015 à 12h15

Essentiel bien sûr ce petit roman ! C’est une vague d’émotion qui submerge, tout ce que j’adore en fait !

saxaoul · 12 mai 2015 à 13h53

Noté pour la prochaine commande, forcément !

Alex mot à mots · 12 mai 2015 à 15h45

Comme Saxaoul, ce sera sur ma prochaine commande.

manU · 12 mai 2015 à 20h41

Noté !!!

Marion · 16 mai 2015 à 11h46

Déjà noté chez Jérôme, tu me confortes dans l’idée qu’il me le faut !

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