On referme les pages de ce court roman dans un état assez indéfinissable. A mi chemin entre une gueule de bois carabinée, une longue nuit d’insomnie et une plongée en apnée. Un peu groggy, un brin nauséeux. Mal à l’aise. Perdu…

 

On le referme et on observe la couverture autrement. Un homme seul dans un genre de labyrinthe dont il ne semble pas trouver l’issue. Des allées sombres où peine à percer la lumière. Il s’en dégage une étrange sensation d’égarement, de solitude et de tristesse. De fait, le personnage de ce roman est un errant. Errant dans son propre esprit, étranger à son propre corps, il avance sans repères dans un monde apparemment devenu hostile. Un funambule. En équilibre instable entre cette vie qui n’est pas la sienne, ce monde qui n’est pas le sien, ses proches qui se tiennent à distance et ceux qui l’ont abandonné.

 

Dans la maison de vacances de ses parents où il s’est réfugié, le temps s’arrête. Mais dehors, tout se délite, tout se brise, rien ne fait sens… Hors-cadre. Étouffé par des codes qu’il ne comprend pas, assommé par des rêves dont il ne décode pas les signes, troublé par l’invasion des souvenirs et la violence du monde qui l’entoure, il avance à l’aveugle dans un tunnel sans fin.

 

« Un funambule, s’il s’apprête à marcher sur son fil, doit basculer le poids de son corps du pied qui est sur le rebord au-dessus du vide, et il ne peut le faire qu’en ayant une confiance absolue dans le vide. Il ferme les yeux, il se concentre, prend sa respiration, et tout à coup peut-être, il sent l’appel du fil, et il avance : il marche, et tout est simple, peut-être, tout est lumineux. Peut-être. »

 

L’écriture d’Alexandre Seurat est troublante. Elle tranche à vif, va à l’essentiel, révèle les fêlures en épousant les angoisses, les pensées intimes et les sentiments de son personnage principal. Elle s’étire, s’élance, se resserre, dérive, déroute. Impossible de lâcher ce roman une fois commencé. On y ressent l’urgence. On y perçoit la violence sourde et lancinante. On touche du doigt la folie qui s’installe, insaisissable et perverse…

 

La maladroite m’avait bluffée par sa narration et sa construction imparable. J’avais retrouvé avec bonheur cette plume froide et distanciée, ce regard impitoyable sur les évènements, cette capacité à dire l’indicible dans L’administrateur provisoire. Tendu, intense, troublant, Un funambule confirme tout le talent de l’auteur pour créer une atmosphère et faire naître l’émotion.

 

L’avis de Jostein

 

Éditions du Rouergue (Janvier 2018)

Collection La Brune

96 p.

 

Prix : 12,00 €

ISBN : 978-2-8126-1508-5


14 commentaires

Ariane · 1 février 2018 à 10h34

Oh tu sais donner envie ! J’avais aimé son écriture avec ses deux premiers romans, celui-ci ne m’échaperra donc pas !

lasardine · 1 février 2018 à 10h56

Je garde un fort souvenir de La maladroite! Je vais sûrement lire celui ci, et je note l’autre au passage aussi! Merci Nouk!

Saxaoul · 1 février 2018 à 10h59

Ce n’est pas le type de littérature dont j’ai envie en ce moment mais il faudrait peut-être que je lise cet auteur un jour pour voir si son univers me plaît.

Virginie Vertigo · 1 février 2018 à 11h51

Dans ma PAL mais comme il aborde à chaque fois des thèmes lourds, je repousse sans cesse.

framboise · 1 février 2018 à 14h43

Je le veux !

Alex-Mot-à-Mots · 1 février 2018 à 17h15

J’avais beaucoup aimé son premier roman également.

gambadou · 1 février 2018 à 21h41

Beaucoup aimé le premier, moins le deuxième, et très envie de découvrir celui-là

krol · 1 février 2018 à 22h02

Je ne suis pas pressée de le lire malgré ton avis positif, je saurai attendre mon heure…

Fanny · 2 février 2018 à 06h41

La Maladroite m’avait aussi remuée… J’en ai encore des frissons! On verra si je retente l’expérience avec celui-ci.

Moka · 3 février 2018 à 10h35

Je n’ai lu aucun des romans de l’auteur mais ce n’est pas faute d’avoir lu des chroniques enjouées au sujet de ses romans.

Violette · 3 février 2018 à 14h55

je me suis contentée de La Maladroite mais tu sais que tu ne donnes pas tellement envie là? 🙂 Les nausées, la gueule de bois, euhhh… bof! A voir si je tombe dessus par hasard…

Mo · 4 février 2018 à 10h49

Je vais passer je crois. Pas envie de ce type de récit en ce moment 😉

jerome · 5 février 2018 à 14h23

Je vais dire pareil que Mo. Ou alors découvrir l’auteur avec son premier roman plutôt…

Emma · 16 mai 2018 à 14h06

Il faudra que je découvre son écriture, mais peut-être pas avec celui-là 😉

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