Retenir son souffle. Ne pas regarder en arrière. Briser les chaînes, rompre les liens. Et se lancer. Tutoyer le ciel, à 100 mètres au-dessus du sol et se sentir enfin libre…
Cette traversée sans filet, il l’a voulue. Cette sensation de liberté infinie, ce flirt avec le danger, cette ivresse qui monte à la tête, cette incroyable poussée d’adrénaline. Et cette impression de vivre enfin… « Tout est décuplé. Intensité extrême. Plus de limite. Mon corps et le vide. L’air et le ciel. Du tout pur. Un shoot d’absolu en barre. Je ne me suis jamais senti aussi puissant. Envie de hurler de bonheur, d’angoisse, de haine, d’immensité et de rage. »
Ce n’est pas un jeu non, pas plus qu’une prise de risque insensée. Tout est réfléchi, calculé dans les moindres détails. Un pied devant l’autre, le regard droit devant, il avance tel un funambule sur cette sangle tendue entre deux immeubles.
Là haut, tout est différent. Cinq minutes, pas plus. Cinq minutes de communion avec soi-même, de lâcher prise et de vertige infini. Et la vie, doucement, qui défile pas après pas…
Un texte tendu et impeccablement construit. Une belle métaphore que ce fil qui éloigne du monde mais qui curieusement ramène à l’essentiel… Une ligne de vie qu’il ne faut pas lâcher pour atteindre « le » but, mais quel but…? Peut-être simplement celui d’être enfin soi-même. Repousser ses limites, vaincre la peur du vide et de la chute, voir loin, se remettre en question, envisager l’avenir, faire le bon choix. Tout devient possible quand on se libère de ses chaînes…
Étonnant petit texte à lire en retenant son souffle… et une nouvelle pépite jeunesse que je partage avec Jérôme, comme chaque mardi ou presque..!
L’avis de Pépita
Premières phrases : « Une pichenette du pouce, et la pièce s’envolera. Cinquante centimes – pièce lourde, large, pleine lune rousse. Cinquante centimes – une demi-baguette, un demi-café au rade d’en bas. Le prix de mon destin. »
Au hasard des pages : « Ici, dans les airs, à cent mètres au-dessus du sol, loin de la foule et de tout être humain, c’est le seul endroit où je ne me sens pas seul. Le seul endroit où je ne crains plus rien. Je suis habité par toutes les existences que je pressens en dessous de moi. Empli de leurs énergies magnétiques. Je suis le héraut de leur folie, de leur liberté, de leurs passions. Je suis plein de la sensation sublime de respirer, d’exister, de m’approcher de l’absolu. Je suis si bien que je voudras que tout s’arrête, que le temps n’avance plus, que le soleil suspende sa course, ou bien explose en nous engloutissant tous d’un coup. Brutalement. dans un gigantesque éblouissement final. Je suis si bien que je ne veux plus redescendre. Si bien que je pourrais mourir. » (p. 47-48)
Éditions Actes Sud Junior (14 Janvier 2015)
Collection D’une seule voix
92 p.
Prix : 9,00 €
ISBN : 978-2-330-03897-7
9 commentaires
Laure · 27 janvier 2015 à 08h46
Ca donne le vertige !
Noukette · 5 février 2015 à 23h27
C’est très bien rendu comme sensation en plus !
Livresse des Mots · 27 janvier 2015 à 11h01
Bon… je crois que cette collection, je vais finir par la commander dans son intégralité ! 😉
Noukette · 5 février 2015 à 23h26
Je ne vois effectivement pas d’autre solution ! 😉
jerome · 27 janvier 2015 à 12h32
Un très beau texte, tendu et en équilibre, comme le personnage. Va-t-on être un jour déçus par cette collection ? Je n’en ai pas l’impression, et c’est tant mieux !
Noukette · 5 février 2015 à 23h26
Non, on va tous les lire, sans exception ! 😉
alexmotamots · 27 janvier 2015 à 14h23
Encore une pépite jeunesse à découvrir.
Noukette · 5 février 2015 à 23h25
Tu as tout compris ! 😉
Voyage en adolescence | La mare aux mots · 20 août 2015 à 08h22
[…] La pièce l’a décidé, c’est lui qui doit relever le défi : traverser les 50 mètres qui séparent le balcon de son ami Mouss de l’immeuble d’en face à 100 mètres du sol, sans protection. 50 petits mètres, à peine cinq minutes en prenant son temps. 50 interminables mètres, perché sur une « slackline » quelques centimètres de large, sans avoir le droit à la moindre défaillance ni du corps, encore moins de l’esprit : « si on doute de soi, on tombe, mais si on est trop sûr, on tombe aussi. » On traverse le monologue du jeune funambule d’une traite, la mâchoire serrée et le cœur gros, redoutant le moindre faux pas, ou qu’une infime pensée vagabonde ne le déconcentre. Ce que réalise le jeune homme est bien plus qu’une prouesse sportive, c’est une épreuve mentale, un pied de nez aux éléments et aux lois de la gravité. Le héros veut s’élever au-dessus de ses contemporains, accomplir un acte sans commune mesure, faire de sa vie une exception. Ce court texte ménage très bien le suspense. Le style parfois télégraphique, abrupt, retranscrit les pensées qui affluent dans l’esprit du jeune homme alors que, comme elle ne tient plus qu’à un fil, il réalise à quel point il chérit son existence. Ce livre est une métaphore réussie de l’adolescence pendant laquelle on est vulnérable tout en recherchant l’absolu. Où l’on veut donner un sens à sa vie, parfois en la mettant en danger. Le même vu par Dans la bibliothèque de Noukette. […]