Non, si je vous ai raconté ça, c’est parce que je croyais que les hommes pouvaient être différents ailleurs. Qu’on pouvait être un homme et être sensible, ne pas vouloir dominer, ni le monde, ni personne. Je me plantais. Le costard ou le jogging, les bouquins ou la télé, c’est pas ça qui fait la différence. Mais c’est peut-être parce qu’on nous a jamais appris à être autrement. Et même, c’est tout le contraire.
Il se tient là, seul face à eux. C’est la première fois qu’il ose. Peut-être qu’il vaut mieux ne pas trop y réfléchir. Se lancer comme ça, tête baissée, pour éviter de reculer une fois encore, une fois de trop. Il fallait qu’elle sorte. Elle était tapie là, tout au fond, elle se faisait toute petite pour ne pas hurler. Parfois elle se roulait en boule. Parfois elle s’agitait, cognait toutes les parois, cherchait à se libérer. Il l’avait trop longtemps étouffée…
La colère. Elle prenait toute la place maintenant. Avec elle, des restes de culpabilité et des vieux relents de honte, une douleur toujours vive et cette impression tenace de ne jamais être à sa place. Cette fois ci, il dira tout. Ce qui dérange et qu’on ne veut pas voir. Ce qui se cache derrière les agressions déguisées en petites humiliations. Ce qui pèse sur les épaules de ceux qui n’entrent pas dans les petites cases fabriquées par des cerveaux étriqués. Ce que c’est qu’être un homme aujourd’hui quand il faudrait taire la douceur et endormir les nuances…
On peut exister autrement, même si c’est pas facile. C’est ce que j’essaye de faire.
Cette soirée de fin d’année au lycée aurait dû être une fête et son stand-up une petite parenthèse drôle et insouciante. Mais sa voix dévoile, déborde, explose, revendique… Il dit qui il est. Celui qu’on voudrait qu’il soit. Celui que la société attend. Celui qu’il faudrait être pour passer sous les radars des censeurs et des juges. Il dit la fragilité et les fêlures, la sensibilité et les grandes douleurs. La violence et le dégout. Il dit le cœur en miettes et le corps qui vacille sous les injonctions qui enferment. La peur d’être seul au milieu de la meute.
Une voix. Un souffle qui se fait tempête, destructeur autant que salvateur. Un texte à lire de toute urgence, pour ce qu’il donne à voir du monde que nous contribuons à construire, un monde dans lequel chacun devrait pourtant pouvoir trouver sa place. Impérial Stéphane Servant…
Une pépite qui fait outch… partagée avec Jérôme.
L’avis de Cathulu.
Miettes (humour décalé) de Stéphane Servant Éditions Nathan – Collection Court toujours (Septembre 2021) 64 p. / 8 € / ISBN : 978-2-09-249301-4 |
3 commentaires
luocine · 25 janvier 2022 à 19h03
je me demande si les ado aiment ce genre de roman?
Nathalie · 27 janvier 2022 à 18h40
Tu m’as convaincue, je le note !
Jérôme · 2 mars 2022 à 16h04
Une pépite qui claque c’est tout ce qu’on aime !