Drôle d’expérience que cette BD, même si drôle n’est finalement pas le mot adéquat… On suit ce personnage, sa découverte de ce pays et on se sent de plus en plus mal à l’aise. Une découverte que je dois à mon frangin et à sa petite femme qui commencent à avoir une bédéthèque plus fournie que la mienne, exemplaire dédicacé en plus, les veinards !
« Je contribue à l’idée que les Chinois se font de nous,
j’ai du fric et je le dépense. »
2008. Pierre vient de débarquer à Shangaï avec un visa de trois mois. A la base, il vient y retrouver Caroline, une amie, au final, il y vient surtout par curiosité, pour découvrir ce pays qu’il ne connaît pas. En arrivant, il se trouve une collocation sympathique dans un appartement de bon standing, Marianne la française, et Emmanuelle la chinoise, sont plutôt contentes de leur nouvelle recrue, d’autant qu’il semble qu’elles n’auront pas de problèmes pour se faire régler le loyer : Pierre ne compte pas travailler pour gagner sa vie mais il dit avoir des économies et un gros héritage qu’il va bientôt toucher…
Caroline absente, c’est un de ses amis, Daniel, qui va lui faire découvrir la ville et lui donner les premiers petits trucs à retenir pour tout expatrié qui se respecte. Les prix sont dérisoires, la vie pour les expatriés français semble en effet facile, bons restaurants, soirées entre amis, beuveries… Très vite, Pierre prend le pli : il dépense sans compter dans les magasins de faux, les DVD, les boites de nuit, les salons de massage, y compris ceux qui proposent le « male-care »… Ses virées se bornent au centre ville, pourtant, un jour, il atterrit un peu par hasard dans des ruelles un peu plus éloignées où la vie semble y être totalement différente : pas de touristes, des logements en ruine, des enfants qui jouent dans les décombres, aucun Blanc, la misère à l’état brut. Les expatriés ignorent-ils volontairement cette partie de la ville, ferment-ils les yeux ? Daniel est perplexe.
Arrivé au bout de son visa, Daniel ne veut pas rentrer. Avec 789 euros en poche, il pense pouvoir tenir encore quelque temps en attendant l’arrivée de son héritage même si son notaire lui dit qu’il va falloir se montrer patient. Qu’importe, Daniel choisit de rester. Les choses se compliquent très vite, Daniel se retrouve à court d’argent…
Curieux sentiment de malaise à la lecture de cette BD. Le lecteur découvre cette ville plurielle en même temps que Daniel, sa démesure, ses excès, ses contradictions… Après l’ivresse et l’euphorie des débuts, la découverte vire petit à petit en cauchemar : les expatriés se révèlent être méprisants, dédaigneux voire même complètement racistes envers les Chinois. La prise de conscience de Daniel est finalement assez rapide : sans un sou en poche, il va devoir ruser pour manger à sa faim chaque jour, se refusant à emprunter de l’argent à l’un de ses compatriotes. Finies les soirées où on gaspille sans compter, Daniel se nourrit avec 60 centimes par jour et profite de son temps libre pour explorer à vélo les quartiers peu connus de la ville, son appareil photo à la main. Il ne voit plus le monde de la même manière, c’est d’ailleurs à ce moment précis que les pages de l’album deviennent grises : Daniel ne pense plus qu’avec son estomac et ressent les choses différemment. Les planches sont alors en noir et blanc, les seules touches de couleurs sont celles de la nourriture.
J’ai bien aimé cette chronique sociale, on sent que l’auteur connaît bien ce pays, d’ailleurs, si je ne m’abuse, il y vit actuellement. Je ne suis pas une grande fan du dessin, notamment de ceux des visages des personnages que je trouve plutôt ingrats mais on passe vite outre. J’ai trouvé vraiment intéressant de voir les deux côtés de cette ville, celle que voient les expatriés et la ville réelle, cachée des regards. Une expérience riche et qui ouvre les yeux…
A découvrir.
L’avis de Catherine
Lecture gratuite et intégrale de l’album sur le site de Delitoon
© Saulne/Casterman
Éditions Casterman (Mai 2011)
Collection KSTR
190 p.
Chez Mango et chez les autres !
by Yaneck
16/20
importorigin:http://aliasnoukette.over-blog.com/article-ca-ne-coute-rien-saulne-99232013.html
25 commentaires
Commentaire n°1 posté par OliV / · 15 février 2012 à 15h09
Ah, ça parle « chinois » chez moi aussi ce mercredi, mais dans un tout autre monde, autre registre … Je vais tenter de découvrir ta bd, (ça ne coute rien ) !
Noukette · 15 février 2012 à 23h39
Tu peux effectivement la découvrir sans débourser un seul centime en la lisant en ligne ! 😉 Elle est pas belle la vie ?
Commentaire n°2 posté par Mélo · 15 février 2012 à 15h17
Intéressant… Je me la note 😉
Noukette · 15 février 2012 à 23h39
Oui, à découvrir ! Tu peux même la lire en ligne !
Commentaire n°3 posté par Manu · 15 février 2012 à 15h42
Eh oui, le touriste ignore souvent la réalité des gens du cru.
Noukette · 15 février 2012 à 23h40
Oui, mais là, il y a encore plus que ça. Il y a les touristes, certes, mais il y a aussi les expatriés qui parfois vivent là depuis des années… sans connaître réellement ceux qu’ils cotoient tous les jours !
Commentaire n°4 posté par Yvan · 15 février 2012 à 18h06
Pas trop tenté à la base et je ne pense pas changer d’avis après lecture de ton avis…
Noukette · 15 février 2012 à 23h42
Une plongée intéressante dans ce pays en tous cas, mais je peux comprendre…! J’avoue qu’il m’a manqué quelque chose pour que ce soit un coup de coeur, même si je l’ai lue sans déplaisir !
Commentaire n°5 posté par Marion · 15 février 2012 à 18h14
Ca m’intringue, je le lirais peut-être en version sur net du coup
Noukette · 15 février 2012 à 23h42
Voilà, c’est une bonne façon de se faire une idée ! 😉
Commentaire n°6 posté par Mango · 15 février 2012 à 19h25
Je lirais bien cette BD aussi même si c’est un peu comme ça partout avec les touristes, toujours un peu conquérants. J’aime plutôt bien les dessins, du moins ceux que tu as choisis. A voir si possible,.
Noukette · 15 février 2012 à 23h43
Tu peux tetser la version en ligne, les planches sont grandes, très lisibles…! 😉
Commentaire n°7 posté par lasardine · 15 février 2012 à 21h29
beau billet!!
comme d’hab, tu parviens à aiguiser ma curiosité! si je la croise, je me jette dessus!!
Noukette · 15 février 2012 à 23h46
Tu peux te jetter tout de suite sur la version en ligne alors, même pas la peine d’attendre de la croiser ! 😉
Commentaire n°8 posté par jerome · 16 février 2012 à 09h58
L’intégrale en ligne gratuitement ? ça mérite que l’on s’y attarde.
Noukette · 18 février 2012 à 00h43
N’est-ce pas ! 😉
Commentaire n°9 posté par Alex-Mot-à-Mots · 16 février 2012 à 11h10
Une BD qui à l’air intéressante.
Noukette · 18 février 2012 à 00h44
Elle l’est, ce n’est pas un coup de coeur mais j’ai passé un bon moment de lecture !
Commentaire n°10 posté par Sophie · 17 février 2012 à 01h56
je note… Je crois que j’ai envie de lire cette BD
Noukette · 18 février 2012 à 00h45
Tu peux toujours tester la lecture en ligne, d’après ce que j’ai pu voir, ce n’est pas désagréable ! 😉
Commentaire n°11 posté par Mo' · 17 février 2012 à 10h23
Je trouve qu’il y a de nombreuses similitudes avec l’album « La Perdida » de Jessica Abel. Si dans ce comic, l’héroïne débarque dans un pays qu’elle ne connait pas (le Mexique) pour y trouver des repères (son père est notamment originaire de ce pays), elle se positionne un peu comme Pierre, le personnage que tu présentes. Arrivée dans un pays sans trop avoir préparé le départ, se trouve un pied-à-terre et s’y ancre, prolonge le séjour alors qu’il n’y a pas forcément les liquidités suffisantes… J’irais feuilleter en tout cas. L’album dont je te parle m’avait bien plu, je n’ai rien contre l’idée de me plonger de nouveau dans ce genre de récit 😉
Noukette · 18 février 2012 à 00h48
Tu devrais y trouver ton compte alors, je pense réellement que cet album pourrait te plaire !
Commentaire n°12 posté par Joelle · 23 février 2012 à 15h14
Je n’ai pas lu grand chose sur la Chine vue par les occidentaux comparé à la réalité du pays (hormis Shenzen de Guy Delisle) donc je note car je suis curieuse de découvrir ça, même si l’histoire n’est pourtant que de la fiction.
Noukette · 23 février 2012 à 16h35
Tu peux lire cette BD en ligne si tu le souhaites, tu peux toujours te faire une idée en tous cas… Ce n’est pas un coup de coeur mais j’ai trouvé le tout très bien construit, cohérent, intelligent… A découvrir !
Local (Wood & Kelly) | Bar a BD · 10 novembre 2013 à 09h44
[…] Je ferais volontiers le parallèle avec La Perdida (Jessica Abel) qui présente une démarche similaire (quête de soi, quête des autres, remise en question permanente) et cela me conforte dans l’idée que je devrais creuser du côté de l’album de Saulne que présentait Noukette en février. […]