Racines – Lou Lubie

Rose, une jeune réunionnaise à la peau claire et aux cheveux crépus, rêve depuis toute petite de les avoir lisses. Tout pour éviter le calvaire du démêlage musclé que sa mère lui impose tous les matins avant d’aller à l’école… alors qu’elle même se les lisse en cachette dans la salle de bains avant de démarrer sa journée, subterfuge magique que Rose ne découvrira que tardivement. Rose voudrait être comme toutes ces actrices de cinéma ou ces mannequins dans les pubs, comme ses barbies qu’il est si facile de coiffer d’un simple coup de peigne… Pour se conformer à cet idéal et aux normes sociales et pour faire taire ses complexes, la jeune fille sera prête à tout, quitte à gommer son identité métissée qui la rend unique….

Lou Lubie n’est pas Rose même si l’autrice a puisé dans ses propres souvenirs pour raconter cette histoire et que c’est un sujet qui la touche de près. Elle avoue d’ailleurs avoir injecté ses propres sentiments ou des vécus traumatiques comme la dysmorphophobie. Petite, elle détestait ses cheveux crépus qu’elle trouvait moches et difficiles à coiffer, de là à se trouver moche elle-même il n’y a qu’un pas qu’il n’est pas difficile de franchir. Comme beaucoup de femmes aux cheveux texturés, elle a passé une grande partie de sa vie à essayer de les lisser pour correspondre aux normes, quitte à mettre sa santé en péril. Jusqu’à ce qu’elle finisse par les accepter au naturel. Par le biais du personnage de Rose qui tente de se reconnecter avec ses origines, son métissage et son histoire, Lou Lubie se fait le porte-parole de toutes les femmes qui lui ressemblent.

Cet album est très riche et ne parlera pas qu’aux femmes à priori concernées. C’est une enquête de société extrêmement documentée mais c’est aussi un véritable récit de vie qui met en lumière toutes les injonctions et discriminations qui pèsent sur les femmes et encore plus sur les femmes racisées. Il y est question de sexisme ordinaire, de racisme et d’héritage. De harcèlement, d’acceptation de soi et de quête d’identité. Un sujet qui n’a rien d’anecdotique, féministe et très actuel, (on pense par exemple à la loi interdisant les discriminations capillaires adoptée massivement par l’Assemblée nationale le 29 mars 2024) et qui a récolté tout un tas de prix très mérités dont le Prix France Info de la BD d’actualité 2025. A découvrir !

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