Nul besoin de miroir. Celle que tout le monde appelle Morue voit dans les yeux des autres l’effet que son visage disgracieux procure. Depuis sa naissance, Morue s’accommode de sa laideur, s’escrimant chaque jour à l’écaillage des poissons. Une tâche ingrate qui semble aller de pair avec son minois disgracieux et qui l’imprègne d’une odeur pestilentielle qui ne la quitte pas. Corvéable à merci, humiliée par sa « bonne » marraine qui a la gentillesse de l’employer et par tous les garçons du village qui ont trouvé en elle une cible de choix, Morue l’infatigable trouve un brin de réconfort dans les bras aimants de sa mère et l’amitié du bon gros Pierre.
Dans les contes, la pureté et l’innocence sont pourtant toujours récompensées non…? Au hasard d’une virée au bord des marais où personne ne pourrait se moquer de ses larmes, Morue se prend de compassion pour un pauvre crapaud dont elle partage la laideur… sans savoir que ses pleurs allaient redonner son apparence à une fée jusque là enfermée dans ce corps répugnant du fait d’une malédiction. Reconnaissante, celle ci lui offre la réalisation d’un de ses souhaits. Et Morue, sans grande surprise, demande à être belle… Mais les fées ne peuvent changer la réalité. Tout au plus peuvent-elles changer la perception que les autres en ont. Morue restera elle-même mais deviendra Beauté dans les yeux des autres…
Elle se contente d’être là, et tout sombre dans le chaos.
D’abord déçue que son reflet lui renvoie toujours sa laideur, Morue constate très vite que sa prétendue beauté, celle que tous les autres voient, ensorcelle tous ceux qu’elle croise. Provoquant l’envie et la jalousie des femmes qui voient désormais en elle une rivale, poussant les hommes de tous âges à s’entretuer pour la posséder coûte que coûte… Beauté souffle sur les braises d’une guerre en sommeil qui exacerbe les facettes les plus viles des hommes. Graal inatteignable ou trophée de choix, la jeune fille flatte la part sombre de ceux qui la convoitent. Elle apprendra à son tour à jouer de ses prétendus charmes pour parvenir à ses fins. Quitte à laisser derrière elle des royaumes exsangues et à oublier qui elle est vraiment…
J’ai cette magnifique intégrale sur mes étagères depuis bien trop longtemps. Une intégrale luxueuse et un peu particulière puisqu’elle reprend les trois volumes, complétés d’un épilogue inédit en album, avec les couleurs que les auteurs ont utilisées pour réaliser leurs planches originales. Pas de couleurs donc, mais le choix d’une bichromie privilégiant l’épure. Du noir, du blanc, de l’ocre tirant sur le doré. Rien de plus. Et aux yeux du lecteur de s’écarquiller devant tant de beauté, la sobriété sublimant les moindres détails de l’univers graphique ensorcelant des auteurs.
A mi-chemin entre un conte vénéneux et une fable moderne, le merveilleux se mêle à des réflexions sur le pouvoir ou à des considérations plus philosophiques. Caustique, cinglant et décalé, Beauté révèle ce qui se cache sous les apparences… et ce n’est pas toujours beau à voir. Élégant, magnétique… en un mot, sublime ! Un grand merci à celui qui n’a pas son pareil pour dénicher des cadeaux qui marquent ♥
L’avis de Moka
© Dupuis 2011 – 2013
Éditions Dupuis (Septembre 2014)
160 p.
Prix : 39,00 €
ISBN : 978-2-8001-5768-9
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20 commentaires
Fanny · 15 avril 2020 à 08h29
De Kerascoët, j’avais apprécié son Jolies Ténèbres (particulier il faut avouer…). « Beauté » m’a l’air tout aussi spécial et cette intégrale me tente drôlement.
Stephie · 15 avril 2020 à 08h33
Je ne suis pas fan du dessin et pourtant l’histoire m’attire. A voir !
Moka · 15 avril 2020 à 08h44
Tu as enfin rencontré Morue !
Ravie qu’elle ait croisé ton chemin !
Cristie · 15 avril 2020 à 09h13
Damned, ma liste ne cesse de s’allonger !
Soukee · 15 avril 2020 à 12h52
Oh dis donc, j’ai bien envie de découvrir Morue moi aussi. Merci pour cette belle découverte ! 🙂
Jérôme · 15 avril 2020 à 13h35
Quelle formidable histoire du regretté Hubert ! En plus tu tiens là une édition totalement introuvable, une vraie rareté.
Amandine · 15 avril 2020 à 14h19
J’avais bien aimé cette intégrale.
Natiora · 15 avril 2020 à 14h54
Les dessins ne m’emballent pas, je m’attendais à quelque chose de plus raffiné en lisant le résumé, mais j’aime beaucoup le choix des couleurs. Et l’histoire me tente énormément !
sabine A · 15 avril 2020 à 15h43
Comme Stéphie, le sujet m’attire énormément mais le dessin me freine un peu. J’attends de pouvoir la feuilleter !
Karine Minier · 16 avril 2020 à 00h36
Je pense que j’ai 3 tomes dans la biblio… ya plus qu’à hein!
Bouma · 16 avril 2020 à 10h27
je ne connaissais pas du tout. merci pour la découverte.
Bidib · 16 avril 2020 à 12h56
les dessins font envie, et ce que tu en dit a fini de me convaincre ! Je note
Caro · 16 avril 2020 à 15h38
Le nom des auteurs me donne envie, forcément… Mais les 3 tomes ne sont pas dans ma bibliothèque… 🙁 Il va falloir que je les trouve d’une autre manière !
luocine · 17 avril 2020 à 11h31
je trouve le propos de cette histoire très pertinent. Je profite de ce passage que j’ai eu un succès fou avec « Une super histoire de cow-boy » recommandé sur ton blog, envoyé à mon petit fils grâce à Amazon, je le dis car quel autre moyen aurais-je eu de lui faire plaisir moi qui suis confinée à km de chez lui !
Mylene · 20 avril 2020 à 08h08
Même si naturellement je ne serai pas allée vers cette trilogie, j’avoue tu me rends curieuse !!
Mes échappées livresques · 20 avril 2020 à 09h21
Lu il y a peu, j’ai adoré l’histoire de Morue! Un vrai régal!
Nathalie · 23 avril 2020 à 11h12
L’histoire me tente bien !
Nathalie · 23 avril 2020 à 12h02
Yeah ! J’ai rattrapé mon retard. 😉 Et pris encore plein de notes…
Alice · 28 avril 2020 à 15h18
Morue… glaçant ce surnom ! Je note ce titre qui m’intrigue, pour replonger dans l’univers du merveilleux, visiblement de façon étonnante et sublime.
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