– Ils ne veulent pas que ça commence.
– Et ça commence ici.
– Ça commence ici.
Sarah aimerait comprendre. Quand elle plonge ce bâton dans l’eau, il a l’air de se casser mais en ressort curieusement intact. Ce n’est pas de la magie, il doit y avoir une explication rationnelle. Comprendre le pourquoi, comprendre le comment, comprendre le monde… comment seulement l’envisager quand on est une jeune fille noire à qui l’on refuse toute instruction…? A quelques pas de là, une école accueille pourtant chaque jour les jeunes filles de Canterbury. Blanches et de bonne famille. Ici, les massacres perpétrés un an plus tôt par Ted Turner, esclave noir qui savait lire et écrire, sont encore dans toutes les mémoires. Il s’agirait de ne pas baisser la garde…
Pourtant, quand la jeune Sarah se présente devant Prudence Crandall, celle-ci n’hésite pas longtemps : l’institutrice décide d’accueillir l’adolescente dans sa classe. Quand la nouvelle se répand dans le voisinage, les habitants menacent de retirer leurs filles de l’école. Prudence, elle, refuse de céder. Son école deviendra la première école pour jeunes filles de couleur des États-Unis, trente ans avant l’abolition de l’esclavage…
– Il n’y a que ça ici, des journées éprouvantes.
– De quel « ici « parles-tu ?
– Cette école.
– Fais ta valise et fonce sans tarder là où les journées sont paisibles. Et quand tu seras arrivée, envoie-nous une carte.
– Quoi ?
– Elle veut dire, je crois, qu’il n’existe pas un « ailleurs » qui soit paisible, pour nous.
– Dès lors que nous voulons nous instruire, en tous cas. Aucune journée n’est « éprouvante », dans cette école. C’est le monde tout autour qui est une épreuve.
Nous sommes en 1832 dans le Connecticut, près de trente ans avant la guerre de Sécession et plus d’un siècle avant la naissance du mouvement pour les droits civiques des Noirs. Il faudra d’ailleurs attendre 1954 pour que la cour suprême juge anticonstitutionnelle la ségrégation à l’école. Prudence Crandall est une pionnière. Son acte de résistance n’en est que plus admirable. Face à la haine raciale d’une communauté qui demeure bornée et hostile à toute idée d’égalité, l’institutrice fait ce qui lui semble juste pour permettre à ces jeunes filles d’accéder au savoir et à l’émancipation. En tant que noires… et en tant que femmes.
Après leur première collaboration pour le magnifique Quand le cirque est venu, Wilfrid Lupano et Stéphane Fert récidivent avec cette histoire édifiante inspirée d’un fait historique peu connu. Récit d’un combat plus que le portrait d’une femme en avance sur son temps, Wilfrid Lupano choisit de s’intéresser à ce groupe de jeunes filles qui prennent des risques pour s’élever au-dessus de la condition que la société leur impose. A leur façon, elles prennent les armes…
Visuellement, je suis plus que conquise par l’univers graphique de Stéphane Fert ! Après Morgane et Peau de Mille Bêtes, il est en passe de devenir l’un de mes auteurs chouchous. Rondeur du trait, précision des décors, aplats de couleurs… sous une apparence de légèreté le propos n’en est pas moins percutant. Un duo impeccable pour un album saisissant qui fera date, à n’en pas douter !
Un coup de coeur dont je partage la lecture avec Jérôme.
L’avis de Bidib
Éditions Dargaud (Janvier 2021)
144 p.
Prix : 19,99 €
ISBN : 978-2-505-08246-0
Chez Stephie
24 commentaires
Karine · 20 janvier 2021 à 04h44
Je l’ai bien noté celui-là. Il me tente beaucoup depuis que je l’ai vu passer sur le site de l’éditeur.
Enna · 20 janvier 2021 à 09h04
J’ai très envie de la lire, elle serait parfaite pour mon African American History Month challenge en février et les planches ont l’air superbes !
Blandine · 20 janvier 2021 à 09h12
Je le veux !
Hélène · 20 janvier 2021 à 10h29
oh oui les dessins ont l’air superbes !
Soukee · 20 janvier 2021 à 13h08
Déjà noté, tu m’y fais repenser. Merci ! 🙂
Jérôme · 20 janvier 2021 à 13h39
Un album sans fausse note, tant au niveau du scénario que du dessin.
gambadou · 20 janvier 2021 à 14h22
Vous êtes trois à vous y mettre ! Il est noté sur ma prochaine commande du CDI. Je le mettrai à côté du roman sweet sixteen et des BD Wake Up America
eimelle · 20 janvier 2021 à 15h33
un thème fort, qui a l’air bien traité!
Hilde · 20 janvier 2021 à 19h27
Déjà notée aussi pour plus tard !
PatiVore · 20 janvier 2021 à 19h40
Très envie de lire cette BD !!!
Moka · 20 janvier 2021 à 19h57
Lue. Pas le coup que coeur tant espéré au regard des chroniques enthousiastes que je ne cesse de lire mais ce fut une lecture agréable malgré tout.
Caro · 20 janvier 2021 à 21h34
J’espère pouvoir lire cet album bientôt, les avis étant nombreux et (souvent) positifs.
Stephie · 21 janvier 2021 à 07h25
Il est évident que je vais la lire
Choup · 21 janvier 2021 à 09h31
Je l’ai adorée aussi cette BD (Lupano ne me déçoit pour ainsi dire jamais)!! un indispensable, notamment parce qu’il nous parle de ces femmes qui ont été pionnières, mais dont le combat a été oublié (invisibilisé plutôt)…cela me fait penser à Noire d’Emilie Plateau, sur Colette Colvin.
Natiora · 22 janvier 2021 à 15h10
Il sera de mes prochains achats, c’est certain.
Violette · 22 janvier 2021 à 18h31
bien sûr que j’ai l’intention de le lire !
Mylene · 24 janvier 2021 à 08h01
je viens juste de finir d’écrire ma chronique pour mercredi prochain et je rejoins ton avis, tout comme celui de Jérôme !
krol · 24 janvier 2021 à 11h50
Comme je le disais chez Jérôme, un Lupano, ça ne se rate pas !
Géraldine · 25 janvier 2021 à 17h57
Un sujet très intéressant dis donc ! Je note !
Nathalie · 31 janvier 2021 à 15h00
Pas encore disponible à la bib !! 🙁
Bidib · 7 février 2021 à 14h53
cette BD est superbe, je l’ai découverte en format numérique mais je la trouve tellement belle que je crois bien que je vais m’offrir la version papier un de ces jours
Alice · 9 février 2021 à 22h20
Oh très tentée !
Blanc autour | Bedea Jacta Est · 14 mars 2021 à 18h48
[…] avis : Bidib & Yomu-chan, Noukette, […]
Blanc autour - BD sur la ségrégation ⋆ Délivrer Des Livres · 23 juin 2021 à 06h07
[…] si je ne vous ai pas convaincu, allez voir les avis de Jérôme, Noukette ou Bidib […]