Au cœur du désert écrasé de soleil, le convoi funéraire trace sa route à flanc de montagne en direction du palais des dieux. Profitant de l’effervescence ambiante, une jeune fille s’extrait du cortège et se cache au milieu des rochers. Se débarrassant de ses luxueux et encombrants vêtements, elle se retrouve à demi nue mais semble bien décidée à poursuivre sa route. A quelques mètres, perché sur un rocher, Orphée observe la mystérieuse étrangère. Il l’interpelle et la dissuade de poursuivre son chemin. Elle ne pourra que se faire remarquer au milieu de tous les villageois vêtus comme lui de tenues de papier…
Que cherche Eurydice ? Où va-t-elle ? Intrigué par la jeune fille, Orphée lui propose de le suivre jusqu’à chez lui, elle y sera à l’abri quoi qu’elle tente de fuir. Mais une fois sur place, la jeune fille s’étiole, s’éteint… devenant au fil des jours l’ombre d’elle même. Alors qu’Orphée se donne pour mission de lui redonner goût à la vie, sa sœur Calliopé, danseuse au palais des dieux, s’inquiète de sa présence au village. Il ne faudrait pas qu’elle mette en péril le fragile équilibre de leur cité mirage, une illusion que tous se doivent d’entretenir et de préserver s’ils veulent survivre et vivre dignement…
Toute cette cité est pourrie jusqu’à la moelle ! Elle est bâtie sur des mensonges !
Orphée et Eurydice. Que voilà une magnifique réécriture…! En choisissant de situer leur histoire dans une cité de papier au milieu du désert, Lou Lubie et Solen Guivre donnent une dimension très contemporaine au mythe grec. Ici, les divinités et les muses ne sont pas ce qu’elles semblent être, les décors sont factices, les peurs et les croyances fabriquées de toutes pièces. Acteurs ou spectateurs de la supercherie, tous évoluent dans un univers en toc et tentent avec les moyens qui sont les leurs de prendre en mains leur destin. Il n’est jamais trop tard pour entrer en lutte, jamais trop tard pour faire entendre sa voix, jamais trop tard pour dévoiler son vrai visage…
Lou Lubie a mûri ce projet d’album depuis ses 17 ans, c’est dire là quel point cette histoire lui tenait à cœur. En confiant sa mise en images à la jeune Solen Guivre qui signe ici son premier album, elle donne à voir un univers d’une grande richesse à l’esthétique soignée et aux inspirations multiples (à ce sujet, mention spéciale au artbook en fin d’ouvrage). Une seule lecture ne suffit sûrement pas pour saisir toutes les influences distillées au creux des pages. La précision des décors et des costumes, la richesse, la diversité et l’ambivalence des personnages, le parallèle évident avec les luttes féministes actuelles, cette notion de monde spectacle qui travestit la réalité pour mieux duper ceux qui veulent y croire… il y aurait beaucoup à dire oui sur cette réécriture du mythe imaginée par la décidément très talentueuse Lou Lubie. Un coup de cœur que je recommande très chaudement qui aura également toute sa place dans les CDI de lycée.
De Lou Lubie sur le blog : Et à la fin, ils meurent
Eurydice de Lou Lubie et Solen Guivre Éditions Delcourt (Octobre 2024) 128 p. / 24,50 € / ISBN : 978-2-413-07707-7 |
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4 commentaires
Iluze · 20 novembre 2024 à 17h55
J’aime beaucoup cette ambiance désertique !
eimelle · 20 novembre 2024 à 18h02
la revisite du mythe a l’air intéressante !
Enna · 20 novembre 2024 à 20h48
C’est très tentant!
Gambadou · 20 novembre 2024 à 21h43
Il a l’air magnifique cet album