Maya, Valentin et Loan ont 8 ans et sont dans la même classe. Inséparables comme on peut l’être à cet âge. Une harmonie parfaite rompue par l’arrivée d’un nouvel élève, Malone dont le bruit court qu’il a été exclu de son ancienne école pour s’être battu…
« Malone : T’es trop bizarre comme fille, toi, trop bizarre.
Maya : J’suis pas une fille. J’aime pas les filles. Les filles, ça n’a le droit de rien. Ça rit comme des casseroles, ça sait pas courir au foot, ça se casse fragile, ça crie quand ça tombe et faut les ramasser ; ça sait pas se débrouiller, faut toujours les aider et leur démêler les cheveux ! Les filles, y faut pas les salir, y faut pas les toucher, y faut pas non plus les rigoler parce que tout d’suite, elles pensent qu’on se moque : c’est pas sérieux. J’suis pas une fille, j’suis une comme vous. » (p. 35)
« Loan : Pourquoi tu fais cette tête ?
Maya : Parce que c’est la mienne.
Loan : Pas vrai. D’habitude, t’as une tête de coquelicot.
Maya : Des fois… c’est comme si j’étais à côté de moi. Je me regarde faire et je me trouve tarte à la crème. j’aime pas comment je ris, alors j’arrête. je souris, mais j’aime pas mes dents, alors je ferme la douche. Souvent, les gens pensent que je fais la tête. Mais c’est pas ça. C’est juste que j’arrive pas à me laisser tranquille. Faut toujours que je me regarde d’à côté de moi. C’est fatiguant. J’aimerais bien pouvoir être à ma place et regarder les autres en face. Quand je dis ça à Valentin, il dit qu’il me comprend. Il dit, lui, que j’ai un problème de consistance ; comme les gâteaux qu’on sort du four avant qu’ils aient fini de cuire.
Loan : Qu’est-ce que ça veut dire ?
Maya : L’a pas l’humour dans la casquette, c’est vrai. Mais Valentin, c’est le seul qui me comprend. L’a un coeur grand comme… Plus grand que moi. Pourquoi vous vous moquez toujours de lui ?
Loan : Parce que c’est facile. Si toi t’es un coquelicot, tu vois, lui c’est une fleur de pissenlit ! Tu souffles dessus et tout s’envole. c’est juste pour rigoler. » (p. 40)
« Loan : Mes parents passent leur temps à ne pas avoir le temps. Ils courent le matin, sont en retard toute la journée, le soir sont fatigués, se disputent à volonté. Et puis surtout, ils oublient tout. Font des listes pour penser : le pain, la facture du téléphone, appeler machin, changer les joints… J’aimerais bien être sur leurs listes ! « Mais un fils, ça ne se met pas sur une liste « , a dit ma mère un jour, en me disant aussi : « Pardon, je t’ai oublié à l’école ! Encore pardon ! Oublié de signer ton cahier de correspondance. Pardon ! Oublié de payer la cantine – alors je me fais gronder par la maîtresse. Pardon ! Oublié ton gâteau d’anniversaire et la fête avec les copains ! » Mes parents têtes de linotte, faut que je crie si je veux qu’ils m’entendent exister ! » (p. 50)
« Valentin : (au public) J’veux pas y aller. J’veux plus y aller. Jamais. Avec leurs yeux qui mordent et leurs rires qui fouettent… Je prends des pêches, j’ai plus la frite ; j’ai de la pluie plein la figure, ça m’inonde le cerveau ; et au fond de mon ventre, je sens comme des cordes, à nœuds. Je les vomis sûr et certain, tous autant qu’ils sont, à se moquer de moi, je les vomis pour toute l’éternité ! Leurs moqueries me font fondre, chacune un peu plus, je me dissous de l’intérieur. Bientôt, je ne serai plus qu’une toute petite flaque dans laquelle vous aussi, vous pourrez patauger. J’imagine qu’il en faut un, de punching-ball, bouc émissaire, un seul sur qui taper, c’est plus facile, on ne peut pas se tromper ! Ca pourrait être toi ! Ou toi ? Toi t’es trop petit, t’es trop frisé, toi t’es trop roux, toi trop coincé, toit t’es trop brun, trop blond, trop noir, trop blanc, trop bleu, trop plat, trop écrasé… » (p. 55-56)
Éditions Théâtrales Jeunesse (Janvier 2014)
86 p.
16 commentaires
Sandrine · 20 mai 2014 à 08h08
Un autre livre a noté.
Quel monde cruel !
Sandrine · 20 mai 2014 à 20h22
Oups, noter !
Noukette · 21 mai 2014 à 00h20
Tu fais bien !
Noukette · 21 mai 2014 à 00h14
Cette pièce est vraiment une réussite !
Syl. · 20 mai 2014 à 09h29
On voudrait tellement les protéger, mais on ne peut pas. La cour de récré est une jungle ! L’apprentissage est dur. Le livre est noté.
Noukette · 21 mai 2014 à 00h14
Une jungle oui… Je le constate chaque jour…
vicim /Sophie · 20 mai 2014 à 10h52
Non seulement je le note mais je vais m’empresser de le donner à ma prof de théâtre.
Noukette · 21 mai 2014 à 00h17
Ah oui, n’hésite pas ! Et surtout, reviens me donner ton avis !
jerome · 20 mai 2014 à 11h58
Trop bien cette pièce de théâtre ! Pas mécontent de mettre une pépite pareille dans la sélection du prix des jeunes lecteurs, c’est rien de le dire. Et tu y as contribué plus que modestement 😉
Noukette · 21 mai 2014 à 00h18
Très modestement mais avec un immense plaisir… comme tout ce qu’on partage d’ailleurs ! 😉 Tu as fait le bon choix avec cette pièce, ça va cartonner !
Rébecca@ conseils écriture · 20 mai 2014 à 13h55
Encore un que j’ai envie de lire d’autant plus qu’il s’agit de théâtre. Ce me changera des romans. 😉
Noukette · 21 mai 2014 à 00h18
Une éternité que je n’en avais pas lu, c’est une très bonne surprise !
Krol · 20 mai 2014 à 18h27
Je ne lis quasiment pas de pièce de théâtre mais après une critique pareille, j’ai bien envie que ce livre me tombe entre les mains !
Noukette · 21 mai 2014 à 00h20
Et moi je n’en lis jamais ! Je te la recommande d’autant plus chaudement !
Emma · 21 mai 2014 à 10h12
Pourquoi pas, je la découvrirai peut être un jour…
Noukette · 21 mai 2014 à 16h54
C’est une petite pièce de théâtre de grande qualité !