On m’a désignée bourreau, méchante, coupable. La grande coupable. Quand on tape mon nom sur les moteurs de recherche, j’apparais comme le diable. Aux yeux de tous, je suis l’indigne.

Je m’appelle Batool et, sur Internet, j’incarne l’inavouable.

Pourtant, je n’ai rien fait de mal. Je ne mens pas. J’ai simplement joué. Dans l’émission, j’ai simplement voulu gagner. Moi, je n’ai rien demandé à personne. Ni aux producteurs véreux ni aux gens qui se sont approchés de moi comme des cafards. Dans l’histoire, je suis une victime aussi.

L’histoire aurait dû être belle. Avec un peu de chance, elle aurait même pu permettre à Batool de devenir quelqu’un. Ce n’est pas tous les jours qu’on se fait repérer par une grande directrice de casting dans les allées d’un supermarché. Qu’on mise sur votre personnalité et votre charisme et qu’on parie que votre visage éclipsera tous les autres à l’écran. D’adolescente passe-partout, Batool se voit propulsée star en puissance. En acceptant de participer à cette émission de télévision où tous les coups sont permis pour sortir son épingle du jeu, la jeune fille ne sait pas encore qu’elle s’apprête à jouer le pire rôle de sa vie…

« Ruser, durer, gagner ». La devise de l’émission Le dernier survivant se garde bien de dévoiler tous ses secrets. De retour à Lyon une fois le tournage achevé, bien loin de l’île de Kadavu aux Fidji et des autres candidats, Batool attend fébrile et impatiente la diffusion de l’émission. C’est sûr, elle n’a rien à se reprocher, a tout donné dans les jeux et n’a pas à rougir de son image. Ses proches seront fiers d’elle. Mais à l’écran, c’est une autre Batool qu’elle découvre…

J’ai l’habitude maintenant. Depuis six mois que je vis ça. Les mines contrites des passants. Les visages des inconnus qui deviennent des grimaces. Les dames qui m’observent, les gosses qui chuchotent sur mon compte. Tous se demandent si c’est bien moi, si je suis la jeune fille qui a dit ces horreurs à la télé. De plus belle, ils me scrutent, bavardent, prennent un air réfléchi, cherchent sur leur portable pour vérifier mon image et, au loin, je les entends dire : « Tiens, regarde, j’avais raison, c’est elle, c’est la jeune fille qui… ».

Il aura suffit d’une phrase sorti de son contexte et d’un subtil montage de la production pour que la vie de Batool bascule. Pointée du doigt, désignée coupable sans espoir de s’amender, la jeune fille devient la cible d’insultes sur les réseaux sociaux, dans la rue, dans son lycée. Donnée en pâture aux téléspectateurs, « Batool la superstar devient Batool la lépreuse. La honte. La complotiste. La nazie. La sale race. »  Impuissante, Batool assiste à son exécution. Et devant sa télévision, elle ne sait plus qui elle est vraiment…

Subtilement, Julien Dufresne-Lamy décrit la machine qui petit à petit va broyer sa réputation et anéantir ses rêves. En alternant la narration au présent avec la vie de Batool pendant le jeu, il accentue encore davantage la cruauté des vérités fabriquées de toutes pièces pour détruire. Un récit court et percutant pour dénoncer les dérives d’Internet et la manipulation de l’image à mettre entre les mains des adolescents dès 12 ans.

Une nouvelle pépite jeunesse que je partage avec Jérôme, comme (presque) chaque mardi.

L’avis de Héliéna 

De Julien Dufresne-Lamy, sur le blog : Mauvais joueurs, Boom

Éditions Magnard (Mars 2020)

Collection Presto

95 p.

 

Prix : 5,90 €

ISBN : 978-2-210-96848-6

 

pepites_jeunesse


9 commentaires

Stephie · 31 mars 2020 à 09h52

Je vais explorer cette collection quand on pourra retourner en librairie !

eimelle · 1 avril 2020 à 11h11

j’apprécie ce qu’écrit l’auteur en général, alors je note!

Autist Reading · 1 avril 2020 à 14h07

J’avais beaucoup aimé « Boom » et j’ai adoré « Jolis jolis monstres », donc…. dès que ce sera de nouveau possible

gambadou · 1 avril 2020 à 17h18

J’adore cette collection

Nathalie · 3 avril 2020 à 11h12

Je ne connais ni l’auteur ni la collection ! Mais cette histoire à l’air terrible…

Alex-Mot-à-Mots · 3 avril 2020 à 16h29

Un auteur que j’apprécie. Titre noté.

Amandine · 4 avril 2020 à 13h32

Une lecture qui me tente véritablement.

Jérôme · 7 avril 2020 à 08h14

C’est subtil oui, et à mettre entre les mains de tous les ados !

Moka · 25 avril 2020 à 08h48

Un titre qui sommeille sur ma PAL…

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