Intérieur jour. On déambule, on s’arrête, on contemple. On presse le pas, on s’attarde, on admire. Il y a ceux qui scrutent le moindre détail, ceux qui déambulent le nez en l’air, ceux qui trouvent le temps un peu long. C’est tout un petit monde qui se presse dans les allées du musée d’Orsay. Les habitués côtoient les touristes, les néophytes se mêlent aux amateurs éclairés ou aux lycéens blasés collés à leurs smartphones. Devant les œuvres d’art, certains se taisent quand d’autres trouvent au contraire l’occasion d’étaler leur culture. Perplexes, admiratifs… que perçoivent vraiment ceux qui regardent les centaines de chefs-d’œuvre ? Que leur restera-t-il une fois les portes du musée fermées ?
Intérieur nuit. Dans les allées désertées, le silence prend enfin toute la place… du moins en apparence. Une fois les visiteurs partis, les sculptures et les peintures abandonnent la pose, quittent leur socle et leur cadre et partent se dégourdir les jambes. L’heure de la récréation a sonné, celle des grandes discussions sur l’absurdité du monde, des observations de la vie des rues parisiennes, des amours secrètes aussi. Une vie cachée, entre brèves de comptoirs et commentaires sur les us et coutumes parfois peu reluisants des visiteurs sans gêne. Que ressentent vraiment ceux qu’on passe la journée à scruter à la loupe ? Que perçoivent les œuvres d’art de ceux qui les observent et les jugent ?
Quant au fait de bouger, marcher, parler… nous n’en savons strictement rien. Et on ne se pose même pas la question. En fait, on s’en fiche… royalement ! Est-ce si important de savoir pourquoi ? On en profite, on savoure, on vit !
Les nuits succèdent aux jours et chaque matin, avant l’ouverture des portes, L’Olympia de Manet regagne sa couche, Anacréon quitte la liseuse à regret, Héraclès reprend la pose et les Parlementaires de Daumier mettent leurs cancans sur pause. De retour dans leurs cadres ou sur leurs socles, les œuvres d’art s’apprêtent à voir défiler des centaines de nouveaux visiteurs avant d’à nouveau se retrouver à la nuit tombée pour refaire le film de la journée écoulée.
Christophe Chabouté saisit l’instant, avec toute la palette qui est la sienne, son art des nuances, sa maitrise du noir et blanc… et cette façon si particulière de mettre en scène nos habitudes et nos travers. Des portraits sur le vif, une foule de visages anonymes et une infinité de regards comme autant de façons de percevoir le monde et ce(ux) qui nous entourent. C’est poétique et malicieux, drôle et inattendu. Une visite à nulle autre pareille avec le meilleur des guides qui soit ♥
Musée de Christophe Chabouté Éditions Glénat / Vents d’Ouest (Avril 2023) 192 p. / 23 € / ISBN : 978-2-7493-0977-4 |
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Natiora Gambadou Mylène
Maël
8 commentaires
Natiora · 3 mai 2023 à 08h31
Ça me tente énormément ! Le musée d’Orsay est un de mes préférés et je suis curieuse de voir comment Chabouté imagine les nuits de tous ces personnages figés.
eimelle · 3 mai 2023 à 10h13
il a tout pour me plaire aussi!
Antigone · 3 mai 2023 à 10h21
J’ai très envie de découvrir cet album. Les planches que tu présentes sont magnifiques.
Blandine · 3 mai 2023 à 13h45
Voilà qui me plaît beaucoup !! D’autres albums se sont déjà essayés à ce genre de réflexions, j’adore et ça permet de voir le Musée et les œuvres autrement, et avec un autre style graphique !
Violette · 5 mai 2023 à 17h21
j’avais bien l’intention de me l’offrir, et j’aurais pu écrire la même chose que Natiora.
Jerome · 6 mai 2023 à 17h23
Ce Chabouté, quel talent !
gambadou · 6 mai 2023 à 22h42
Belle galerie de portraits (y-a-t-il celui qui prend tout en photo sans prendre le temps de regarder l’oeuvre ?). En tout cas du Chabouté pas sombre, ça fait du bien !
Rupestres, Etienne Davodeau & Emmanuel Guibert & Marc-Antoine Mathieu & David Prudhomme & Pascal Rabaté & Troubs… ma BD de la semaine !! – Les lectures d'Antigone · 3 mai 2023 à 14h52
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