Quand la nuit tombe, Lisou – Marion Achard / Toni Galmès

C’est toujours pareil. Ils pensent que je n’ai pas l’âge de comprendre. Mais j’ai l’âge de comprendre… et celui d’avoir peur.

Ils sont précieux ces témoignages sur la Seconde Guerre Mondiale, encore plus quand ils se mettent à hauteur d’adolescent. Dans le premier tome de ce diptyque, Marion Achard raconte l’histoire de ses deux grands-tantes, Lisou et Mylaine, en se concentrant ici sur le récit de la benjamine alors âgée de 11 ans. Il aura fallu du temps à Lisou pour accepter de se raconter. Que pouvait bien valoir son témoignage face à ce qu’avaient vécu dans leurs chairs les survivants de la Shoah…? Au soir de sa vie il lui est finalement apparu indispensable de combattre l’oubli tout en rendant hommage à tous les Justes qui l’auront aidée dans sa fuite. Pour éviter qu’à nouveau ressurgissent les fantômes du passé et les insidieuses forces du Mal…

Je vois bien qu’aujourd’hui, ce qui nous a profondément marqués s’efface. Les derniers survivants de la Shoah sont en train de s’éteindre. Et avec eux, leur mémoire. Alors il faut rester vigilant. Et encore et toujours briser le silence. Et se souvenir que l’homme est aussi capable de ça.

Quand Marion Achard commence à interviewer ses tantes en 2021, elles sont alors âgées de 88 et 98 ans. Elles sont toujours vivantes aujourd’hui. Son matériau est incroyable : des photos, des télégrammes, des brouillons, de fausses cartes d’identité, un nombre incalculable de lettres échangées, des courriers de la Gestapo et même celle de leur dénonciation. Et évidemment, les témoignages de ses tantes. Elle a tout. Ne lui reste qu’à les convaincre de lui confier leur histoire pour qu’elle puisse à son tour la faire vivre et la transmettre. Chacune d’entre elles aura vécu cette sombre période de manière bien différente. Au cours des grandes rafles de 1944, Mylaine sera arrêtée par les Nazis et déportée à Auschwitz. Lisou, elle, parviendra à s’enfuir grâce au sacrifice de sa grande sœur. Une culpabilité qu’elle porte encore en elle. Leur autre sœur Janine et leur frère Antoine, qui n’est autre que le futur mari de Simone Veil, ont quant à eux réussi à passer en Suisse…

Se séparer, se retrouver. Se séparer encore. De la Lorraine à la Creuse, à Grenoble, à Sarcenas, à Sassenage, et jusqu’en Suisse… Il fallait toujours que je quitte quelqu’un.

Le second tome de ce diptyque se concentrera logiquement sur l’histoire de Mylaine même si les histoires des deux sœurs pourront se lire séparément. Deux chemins, deux visions de la guerre, pour ne jamais oublier que l’ombre de la haine est toujours prête à refaire surface. Au dessin, Toni Galmés fait des merveilles. Ses aquarelles sensibles laissent passer l’émotion, quant à sont trait rond, il amplifie encore davantage ce côté doux et réconfortant qui aide à tempérer les moments douloureux. Une très belle découverte qui trouvera toute sa place entre les mains de nos ados et dans les CDI de collèges.

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