Rosalie aurait pu baisser les yeux. Faire semblant de ne rien voir. Ignorer l’insistance de cet homme auprès de cette jeune femme qui lui a pourtant fermement signifié qu’il l’importunait. Autour d’elle dans le tram, des regards fuyants, des toussotements gênés. La crainte d’une situation qui s’envenime muselle des témoins devenus impuissants. Mue par un courage qu’elle ne se connait pas, Rosalie intervient. Quelques mots pour couper court, une conversation pour dissuader l’agresseur et détourner l’attention. Une station plus tard, les deux femmes descendent. Reconnaissante, Jessica se laisse raccompagner jusqu’à chez elle et laisse son numéro à celle qu’elle surnomme son « héroïne ».
Une héroïne. Elle, la lâche, l’insignifiante, la transparente. Celle dont on évite avec précaution la compagnie en salle des maîtres. Une héroïne. Rosalie en est certaine, Jessica a encore besoin d’elle, même si elle ne le sait pas encore. Ce n’est pas pour rien que leurs routes se sont croisées. A partir d’aujourd’hui, Rosalie sera toujours là pour Jessica. Toujours. Prête à la sauver à nouveau. De son environnement. De sa condition. De son petit ami qui ne la mérite pas. Elle saura se rendre indispensable, comme un ange gardien qui veille dans l’ombre. Oui. Jessica ne le sait pas encore mais Rosalie s’en fait la promesse. Et elle compte bien accomplir sa mission coûte que coûte…
Parmi les 6 romans qui lancent cette toute nouvelle collection, celui de Séverine Vidal est assurément un de mes préférés. Je trouve sa construction absolument parfaite. Plein d’empathie pour le personnage paumé de Rosalie sur lequel s’ouvre le roman, le lecteur troque vite sa pitié pour de la méfiance. Visiblement instable, celle ci jette son dévolu sur Jessica qu’elle juge en danger. Pour la sauver d’elle même… ou au contraire pour se trouver une raison de vivre ? Et petit à petit, le piège se referme… Intrusive, envahissante, perturbée, « l’héroïne » se transforme en bourreau…
Une soixantaine de pages pour un roman noir diablement efficace où la tension et le malaise vont crescendo jusqu’à un dénouement final des plus réussis. Séverine Vidal tient son lecteur captif dans une intrigue qui joue sur les codes du thriller psychologique. Car finalement, qui de Rosalie ou de Jessica est la plus « captive » des deux…?
Court toujours, une toute nouvelle collection de romans courts pour ados fâchés avec la lecture à lire ou à écouter d’une traite. Il fallait y penser. En scannant une page du livre, le lecteur a accès aux versions numérique et audio du roman qui pourra du coup l’accompagner partout. Conseillés par l’éditeur pour des lycéens à partir de 15 ans, je proposerai pour ma part ces romans à mes élèves dès la 3e. Gaël Aymon, Fabrice Colin, Florence Hinckel, Vincent Cuvellier, Rachel Corenblit et Séverine Vidal… Que du beau monde pour ouvrir le bal de cette collection dont je compte vite faire la promotion auprès de mes collègues enseignants de français qui sauront à coup sûr s’en emparer.
Une lecture addictive que je partage avec Jérôme comme (presque) chaque mardi.
Éditions Nathan (Septembre 2020)
Collection Court toujours
64 p.
Prix : 8,00 €
ISBN : 978-2-09-259284-7
6 commentaires
cathulu1 · 20 octobre 2020 à 06h23
J’ai lu le Corenblit, le Hinckel et le Aymon, et suis très tentée par celui-ci au vu de vos billets ! 🙂
séverine · 20 octobre 2020 à 12h31
Merci chère Noukette !
Bidib · 20 octobre 2020 à 17h17
je note pour plus part. De livres à lire vite c’est exactement ce qu’il faut à ma cadette mais elle est encore jeune pour celui-ci
Jérôme · 25 octobre 2020 à 11h30
Une chouette collection ! C’est le seul titre que j’ai lu pour l’instant mais ce fut une très bonne pioche 😉
Amandine · 26 octobre 2020 à 13h25
Olala! Il a l’air super!
Caro · 30 octobre 2020 à 17h42
Je ne sais pas si je tenterai auprès de « mes » 3e, car ce ne sont pas de grands lecteurs… Mais je vais essayer de me procurer ce titre pour voir, quand même !