Je me suis longtemps demandée si j’allais réussir à écrire quelque chose sur ce roman, et même si je le voulais vraiment. Rarement un roman jeunesse m’aura mise autant mal à l’aise. L’adulte que je suis l’a lu en reconnaissant la maitrise de la narration dont Géraldine Barbe fait preuve pour aborder un sujet encore tabou en littérature jeunesse. La maman que je suis l’a lu en étant profondément horrifiée par la relation tissée de haine qui lie et désunie les deux sœurs. Et la professeure documentaliste que je suis se demande encore si ses collégiens auront toutes les clés pour appréhender ce roman qui ne se donne pas si facilement…

Nous devions au départ en faire une « pépite jeunesse », et si j’ai peiné, Jérôme, lui, n’a pas pu aller au bout de sa lecture. C’est dire s’il nous a bousculés, s’il nous a même parfois fait horreur. Mais c’est un roman qui questionne. C’est un roman qui provoque le débat. Je ne pouvais pas ne pas en parler malgré tout…

L’héroïne principale est une adolescente de 15 ans qui prend toute la place. Alexia règne comme un tyran sur sa famille en toute impunité. Celle qui en fait les frais, c’est sa petite sœur, Chloé, 12 ans. Une petite sœur qu’elle déteste et à qui elle le fait savoir. Chloé se fait toute petite pour éviter les foudres de sa sœur. Alexia, elle, redouble de méchanceté et est capable du pire. Un monstre l’habite. Celui de la jalousie. Celui de la haine. Mais un autre mal la ronge. Plus insidieux. Plus insaisissable. Et c’est peut-être ce monstre là qui explique son comportement de plus en plus destructeur envers les autres et envers elle-même…

Elle souhaiterait rentrer dans son cerveau un instant, découvrir et peut-être comprendre : qui est-elle, cette étrange personne ? Comment bat son cœur, et d’ailleurs, bat-il ? Et même, en a-t-elle un, de cœur ? Souvent Chloé se demande si Alexia est tout à fait humaine.

Elle voudrait entrevoir le mystère de sa sœur, comme ça, soudain, à la dérobée, peut-être la voir, peut-être l’aimer, s’en faire aimer, réussir à lui parler dans sa langue. Mais ça ne marche pas. Chloé n’entrevoir rien que les mouvements un peu gauches de la grande, sa tête enfoncée dans les épaules, sa masse de cheveux bruns qui la cachent. La peau terne de la jeune fille sombre. Qu’y a-t-il dans la jeune fille sombre ? Qu’y a-t-il dans la jeune fille sombre ?

Je vais tenter d’expliquer ce qui m’a gênée dans ce roman. Le monstre qui dévore Alexia a un nom, c’est l’anorexie, mais jamais la maladie ne sera évoquée de façon frontale. Il y a bien sûr ce rapport particulier qu’a l’adolescente avec la nourriture, ses excès, ses débordements, ses attitudes qui devraient logiquement donner l’alerte. Il y a cette espèce de folie destructrice qui se déverse sur la cadette qui ne comprend pas et pense qu’elle en est la raison. Pourtant, ce que je retiens de ce roman, ce n’est pas son sujet principal. Ce qui marque, ce qui fait mal, vraiment, c’est cette relation malsaine entre les deux sœurs. Impossible d’aimer l’héroïne, ni même de s’y attacher. Cette haine, je n’ai vu que ça. Et ce qu’elle fait subir à sa petite sœur est vraiment insoutenable, qu’on soit soi-même parent ou non. Même la fin, pourtant voulue comme positive, ne nous laisse pas sereins quant aux futures relations entre les deux sœurs…

Alors que vont retenir les adolescents qui vont avoir ce roman entre les mains ? Vont-ils comprendre de quoi il s’agit réellement ? J’avoue que je suis perplexe. C’est un roman complexe, qui provoque de fait des réactions complexes. Mais c’est aussi un roman troublant, qui ose et décortique de façon subtile les rouages de la maladie. Il ne laissera en tous cas personne indifférent…

Les avis de #Céline, Nadège, Soukee

Un jour, je te mangerai de Géraldine Barbe

Éditions École des Loisirs – Collection Médium+ (Janvier 2021) 

144 p. / 13,00 € / ISBN : 978-2-211-31084-0


6 commentaires

luocine · 24 avril 2021 à 11h54

l’anorexie et les ravages que cela peut faire dans une famille j’imagine très bien mais cela ne me donne aucune envie de lire ce livre.

Jérôme · 24 avril 2021 à 19h24

Je n’ai pas pu le finir non, peut-être parce que mes deux grandes filles ont trois ans d’écart et que les imaginer avoir une telle relation « toxique » me rend littéralement malade.

Moka · 25 avril 2021 à 08h34

Ce livre est sur mes étagères alors je suis curieuse de savoir ce qu’il en retourne… Nous aurons donc l’occasion d’en reparler.

L'Irrégulière · 25 avril 2021 à 10h32

Ah oui, ça a l’air dur ! J’ai vu plusieurs fois passer ce roman, et la beauté de la couverture m’a subjuguée, mais le contenu moins…

Mirontaine · 25 avril 2021 à 12h59

Il m’intrigue beaucoup suite à ta lecture. Fanny Chartres a écrit également un texte avec Ossette sur l’anorexie.

gambadou · 25 avril 2021 à 18h07

Ouch, malsain, toxique … pas évident à mettre dans les mains des ados, en effet. Il y a d’autres romans plus facile sur le thème des troubles alimentaires. Je ne pense pas que je le prendrai au CDI, en tout cas pas au collège.

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