« Vous savez bien comment vont les étés. On les attend impatiemment, impatiemment, mais il y a toujours quelque chose qui cloche. Où que l’on regarde, les insectes font bourdonner l’air ; les oiseaux, énormes, pillent les arbres ; les feuilles alourdissent les branches. On veut l’entraver, le détruire, casser des choses. Les après-midi sont obèses, interminables. On veut voir si on peut faire quoi que ce soit qui compte. »
Il y avait peut-être effectivement quelque chose dans l’air… Comme un souffle chaud qui viendrait bousculer les habitudes. Comme un grain de sable qui viendrait petit à petit enrayer la petite machine bien huilée des jours qui s’étirent, se suivent et se ressemblent tous. Sur l’autre rive du lac, une famille s’installe. Un couple dont le père est quasiment tout le temps absent, une mère peut-être un peu trop jeune, et un petit garçon, encore pas très stable sur ses guiboles. Madeline les observe depuis la cabane où elle vit avec ses parents. Un mini évènement, tout a l’air si différent là-bas…
La petite famille n’est pas du coin. Des citadins, bien peu habitués au climat sauvage du Minnesota. Les forêts à perte de vue, la chaleur étouffante des étés caniculaire, le froid saisissant des hivers qui jamais ne cessent. Madeline est une fille des Finger Lakes, elle y est chez elle, par la force des choses. Des kilomètres à pieds pour se rendre au collège, étrangère parmi ses semblables pour qui cette rescapée d’une communauté hippie aux vêtements dépareillés reste une énigme. Mais la famille de l’autre côté du lac l’accepte comme elle est, lui demandant même de jouer la baby-sitter auprès du petit Paul. L’occasion d’observer de plus près les habitudes et les rites de cette famille sans tout comprendre de ce qui se joue en sourdine…
« Pendant le procès, ils demanderaient sans cesse, « Quand avez-vous compris que quelque chose ne tournait pas rond ? » Et la réponse était probablement : tout de suite. »
Le premier roman d’Emily Fridlund aurait pu être un excellent roman. On aurait pu, oui, plonger dans cette atmosphère troublante et oppressante et s’y laisser envelopper. Y avancer pas à pas et sentir peu à peu les mailles du filet se refermer. Ressentir des émotions contradictoires à mesure que les évènements s’enchaînent, anodins, ou peut-être pas tant que ça… Sauf que…
On ne peut enlever à l’auteure un talent certain pour poser les ambiances. Ici, point de suspense, le lecteur sait d’emblée que l’été aura été décisif et aura marqué un tournant dans l’adolescence déjà chaotique de Madeline. Dans l’attente de la tragédie que l’on devine trop vite, la voix de la jeune auteure excelle dans les descriptions presque mélancoliques d’une nature sauvage et indomptable. Mais un bel écrin ne suffit pas. Emily Fridlund distille son venin, lentement… bien trop lentement. L’intrigue aurait gagnée à être plus resserrée, à moins s’éparpiller aussi entre les souvenirs et le temps présent. Trop de longueurs. On y perd en tension dramatique et on peine à s’attacher aux personnages qui restent figés dans leur froideur. J’aurais voulu être bousculée, malmenée même, par une écriture plus acérée et moins psychologique. En vain, j’ai attendu un sursaut qui n’est jamais venu…
Best-seller aux États-Unis, annoncé comme un phénomène de la rentrée, je ressors de cette lecture en sachant qu’il ne m’en restera pas grand chose dans quelque temps. Dommage…
Une lecture en demi-teinte que je partage avec Jérôme, encore plus féroce que moi, qui lance le début de la rentrée littéraire sur le blog.
Les avis de Cathulu, Fanny, La fée lit, Lea Touch Book
Éditions Gallmeister (Août 2017)
Collection Nature Writing
304 p.
Prix : 22,40 €
ISBN : 978-2-35178-128-9
By LéaTouchBook
By Hérisson
29 commentaires
krol · 19 août 2017 à 01h36
Oh… Je l’ai acheté aujourd’hui… Suite à d’excellentes critiques lues ça et là… Je m’en vais lire celle de Jérôme.
Nad · 19 août 2017 à 02h53
Ce livre me tentait pourtant et puis je lis tous ces bémols chez Jérôme et toi, donc je ne me presserai pas, même si je reste très intriguée par cette lecture…
Beau weekend à toi Noukette
Sandrine · 19 août 2017 à 07h23
Ce titre m’attirait mais je craignais un peu le trop plein de nature car généralement, « les descriptions presque mélancoliques d’une nature sauvage et indomptable » m’ennuient. J’attendais les premières chroniques pour peut-être me détromper…
keisha · 19 août 2017 à 07h46
Et il paraît qu’il n’y a même pas de loups! Pfff! Je passe…
Fanny · 19 août 2017 à 08h38
Je comprends mieux le commentaire que tu as laissé sur mon blog! ?
Trop de bruit pour rien finalement avec ce roman. Allez hop suivant!
Virginie · 19 août 2017 à 09h00
comment ça ; il n’y a pas de loups ?? dommage ! et dommage aussi que tu l’aies trouvé ennuyeux..j’avais très envie de le lire, on verra (il fait partie de la sélection de novembre du prix Elle)..
luocine · 19 août 2017 à 09h09
en voilà un que je laisse à d’autres plus amateurs de la nature que moi.
Stephie · 19 août 2017 à 09h25
Merde, il est dans la sélection ELLE de novembre 🙁
Kathel · 19 août 2017 à 09h30
Certains comparent à David Vann, ce qui n’est pas pour m’attirer… Vos avis confirment, je n’ai pas envie d’atmosphères oppressantes. il y a un certain phénomène de mode à ce genre de suspense poisseux, non ?
Au Fil des Plumes · 19 août 2017 à 10h58
Bon ben alors sans moi…
Leiloona · 19 août 2017 à 11h02
Eh bien tu vois, malgré vos deux avis négatifs, j’ai envie de le découvrir ce roman. Comme quoi ! 😉
cathulu · 19 août 2017 à 11h20
Effectivement, le rythme lent peut désarçonner mais c’est cette même lenteur qui, entre autres choses m’a séduite. On rapproche cette auteure de David Vann (pas de coup de héatre ici, ouf!) et de Laura K. et effectivement, c’est plus proche d' »Esprit d’hiver » qui m’avait envoûtée…
katell · 19 août 2017 à 11h35
Il me tente énormément ce bouquin 🙂 malgré cet avis mitigé 😉
Electra · 19 août 2017 à 11h51
ton avis est effectivement moins dur que celui de Jérôme et tu nous donnes même envie au début de ta chronique. Je t’invite à lire l’avis de Chinouk (les passions de Chinouk) qui a adoré elle ! elle lui a mis 9/10 aussi je suis curieuse à présent de me faire mon propre avis !
Alex-Mot-à-Mots · 19 août 2017 à 13h47
Il n’y aura pas que des belles découvertes en cette rentrée. Tant mieux.
Jérôme · 19 août 2017 à 13h58
Trop de longueurs, trop de psychologie et pas assez de plein d’autres choses… Vraiment pas pour moi ce roman.
Cristina · 19 août 2017 à 14h43
Comme quoi parfois les goûts et les couleurs ^^ …
🙂
Eva · 19 août 2017 à 15h26
je suis d’accord avec ton billet (le mien sera en ligne dans pas très longtemps)
une bonne idée de départ, un réel talent pour créer une ambiance lourde, mais le récit pâtit de ces allers retours incessants, de ce rythme heurté…dommage!
chinouk · 19 août 2017 à 16h58
Même si personnellement j’ai beaucoup aimé ce récit, je suis d’accord sur le fait que l’auteure n’aurait pas dû le distiller, surtout avec l’histoire de ce professeur que je trouve complètement inutile.
Sauf peut être à montrer que Maddie est en manque d’affection.
Valérie · 19 août 2017 à 20h54
Déjà que Gallmeister n’est pas une maison d’édition pour moi, si en plus, ça ne vous plait pas…
gambadou · 19 août 2017 à 21h28
Alors je passe !
Marie-Claude · 20 août 2017 à 05h55
Je passe sans trop de regret!
Moka · 20 août 2017 à 15h36
Bon, tu m’aides à faire le tri comme ça !
Cristie · 20 août 2017 à 16h51
Ah dommage ! C’était pourtant bien parti !
Violette · 21 août 2017 à 11h12
roh zut, je misais beaucoup sur celui-là !!!
Sido de errances immobiles · 21 août 2017 à 20h33
ah bah zut ! ça avait l’air alléchant cette histoire. Mais comme je fais confiance à Jérôme et toi, je passe 🙂
Géraldine · 23 août 2017 à 23h05
Déjà, je ne suis pas fan des « nature writting ». Mais vu ce que tu dis de ce livre, je suis archi sûre qu’il n’est pas pour moi !
**Marie** · 30 août 2017 à 17h39
Je l’avais repéré. J’aime bien les romans d’ambiance du genre « nature sauvage et indomptable » alors bon je reste convaincue que je le lirai malgré tout 🙂
Une histoire des loups de Emily Fridlund | Le blog de Krol · 3 avril 2019 à 18h43
[…] Kasischke mais je n’ai pas aimé ce roman-là, comme quoi…), de Tant qu’il y aura des livres, Noukette, Fanny, […]