« Alfredo n’était pas bon et personne ne l’aimait, je le sais : quand on est aimé, on ne s’expose pas au risque de mourir seul comme un chien. Quand on est aimé, on a la possibilité de s’en sortir.
Non, Alfredo était un crétin. Il n’a été qu’un imbécile de sa naissance jusqu’à sa mort. Et quand il a crevé, il n’a pensé à rien, il ne s’en est probablement même pas aperçu.
Alfredo ne s’apercevait jamais de rien. Il s’abandonnait aux choses sans opposer de résistance. C’était un geignard, un morveux, ce genre de mec qu’on a d’instinct envie de tabasser, ce genre de mec dont la seule présence vous insupporte. Moi je le détestais.
Et je l’aimais plus que je ne le croyais. Maintenant je le sais. »
Béatrice et Alfredo ont grandi ensemble dans la bien nommée « la Forteresse », cité de banlieue d’une grande ville italienne. Des murs de béton, de la poussière, une zone de non-droit, zéro avenir… Des appartements presque tous occupés illégalement par des squatteurs, premiers arrivés, premiers servis. Dans la famille de Béatrice, on s’est toujours serré les coudes et on s’en sort, bon gré mal gré. Chez Alfredo, c’est un tout autre son de cloche. C’est d’ailleurs une chance qu’Alfredo ne soit pas déjà mort sous les coups de son père, alcoolique et violent.
Depuis tout jeune, celui ci a donc pris l’habitude de venir se réfugier un étage en dessous où il est rapidement devenu le petit protégé. Béatrice et lui deviennent inséparables, pour tout le monde, ils sont « les jumeaux ». Des jumeaux qui vont grandir ensemble, s’aimer, mal… se détester, se perdre, se retrouver. Quinze ans d’amitié, quinze ans d’amour-haine, quinze ans de guerre… Seulement quinze ans. Au début du roman, Béatrice assiste à l’enterrement d’Alfredo. Amère, lucide, elle revient sur ces années passés côte à côte sans jamais réussir à s’aimer…
Le bruit de tes pas est un premier roman dévastateur et un vrai coup de coeur ! Le tout premier chapitre, qui s’ouvre sur l’enterrement d’Alfredo, est absolument bluffant : la voix de Béatrice s’élève et une vision fugace de ce qu’a pu être ce « couple » qui n’en est pas un s’offre alors au lecteur. Des enfants inséparables qui ont grandi tant bien que mal, une amitié fusionnelle qui a vite fait place à un amour-haine difficile à vivre à l’adolescence. L’incompréhension. La colère. Les trahisons. Les routes qui se séparent. La vie en somme…
Oui, Le bruit de tes pas est un très beau premier roman. Fort et dur parce que tout est joué d’avance… Des personnages touchants et justes, une peinture hyper réaliste de la face cachée de l’Italie, une écriture âpre et sombrement poétique. Je crois bien que j’ai tout aimé dans ce roman, cruel et terriblement beau…. Une jeune auteure à suivre !
Une lecture coup de poing que j’ai le plaisir de partager avec ma copine Stephie…
Les avis de Séverine, A propos de livres, Valérie, Antigone, Laure…
Premières phrases : « 24 juin 1987.
Les jumeaux, voilà comment les gens nous appelaient. Ils disaient qu’on était identiques, même si on ne se ressemblait pas. Ils disaient qu’on était devenus le portrait craché l’un de l’autre à force de se côtoyer, deux gouttes d’eau.
J’étais devant l’église. Les graviers blancs se faufilaient dans mes sandales, me torturaient les pieds. Mais je n’y faisais pas attention, je continuais mon chemin jusqu’à l’ombre du parvis. Vue de loin, l’église du quartier est un énorme blockhaus gris maladroitement encastré entre les immeubles. On dirait qu’on l’a fichée, enfoncée dans un trou trop étroit. Pourtant elle est là depuis des années et, de près, on la voit pour ce qu’elle est : quinze mètres de béton et des petits vitraux apparemment noirs, une porte renforcée, au sommet une croix tordue et toute rouillée qui tient comme par miracle. Ici, on l’appelle la Pagode. Ici, tout à un surnom. L’église, c’est la Pagode. Le quartier, c’est la Forteresse.
Et nous, on était les jumeaux. »
Au hasard des pages : « J’avais seize ans et je n’arrivais pas à comprendre Alfredo. je ne comprenais pas non plus le chagrin que je lui causais. Il avait beau être malheureux, souffrir comme une bête, il continuait de pardonner, de pardonner à tout le monde. Les êtres qu’il aimait le plus – son père et moi – étaient aussi ceux qui le faisaient le plus souffrir. Mais je voulais qu’il soit entièrement à moi. Je pensais que son amour était un dû. J’avais pris sa défense, je l’avais supporté. Nous dormions dans le même lit et nous nous réveillions ensemble depuis des années, nous partagions tout. J’étais la seule à mériter son amour.
Car si Alfredo avait beaucoup de défauts, il possédait aussi une qualité : il savait aimer sans condition. Mais nos caractères étaient différents. J’étais le vrai pilier de notre amitié. Lui, il m’aimait à la manière des chiens, avec la même confiance absurde, avec le même élan aveugle.
Moi, j’étais habitée par la haine. » (p. 59-60)
Éditions Philippe Rey (Septembre 2013)
238 p.
Nouvelle lecture pour le challenge 2% Rentrée littéraire
chez Hérisson !
9/12
Nouvelle lecture pour le challenge de Anne !
45 commentaires
Stephie · 18 octobre 2013 à 06h35
On en ressort pas indemne de ce bouquin, la vache !
Noukette · 22 octobre 2013 à 23h07
Je serai une des premières à lire son prochain roman !
Krol · 18 octobre 2013 à 08h52
Oh la la… comme c’est tentant…
Noukette · 22 octobre 2013 à 23h07
Ne résiste pas, c’est une pépite !
jerome · 18 octobre 2013 à 13h18
ça me rappelle à bien des égards D’acier de Silvia Avallone. L’Italie et sa jeunesse, une grande histoire d’amitié qui se termine mal… Bref ça me tente beaucoup. Tu crois que j’aimerais ?
Noukette · 22 octobre 2013 à 23h08
Je crois que tu aimerais oui, du moins je l’espère… Et moi j’ai très envie de lire D’acier, cela dit je me dis ça depuis Le lynx…
Kathel · 18 octobre 2013 à 18h03
Tu es d’accord avec Stephie, tant mieux pour moi, dommage pour ma LAL !
Noukette · 22 octobre 2013 à 23h13
Ne te prive pas de cette lecture, c’est très fort et très beau !
Anne · 18 octobre 2013 à 18h16
Yeepiiie… j’ai craqué… rien que pour la couverture ! (on, pas tout à fait, mais quand même, cette nouvelle charte graphique est superbe !) Je le note dans le récap 😉
Noukette · 22 octobre 2013 à 23h15
Je suis d’accord, les nouvelles couvertures sont absolument magnifiques, c’est déjà un plaisir au toucher ! Et ce roman, sincèrement, tu ne peux pas passer à côté ! 😉
clara · 19 octobre 2013 à 08h33
Il fait un ravage!
Noukette · 22 octobre 2013 à 23h16
Et c’est mérité !!
Manu · 19 octobre 2013 à 09h33
C’est tentant, et en même temps, je ne sais pas si ça me plairait.
Noukette · 22 octobre 2013 à 23h17
Disons que si tu as besoin d’une lecture gaie en ce moment, ce n’est peut-être pas la lecture adéquate… Sinon, c’est vraiment un très beau roman !
Leiloona · 19 octobre 2013 à 14h53
Euh, du plus gai en ce moment pour moi. Ou plutôt du léger. Mais je retiens. Quelle est la maison d’éditions ?
Noukette · 22 octobre 2013 à 23h18
C’est sûr, ce n’est pas gai. Mais tu t’en voudrais de passer à côté d’un tel roman !
Leiloona · 19 octobre 2013 à 14h53
Euh, oublie ma question, je viens de lire en bas du billet.
Noukette · 22 octobre 2013 à 23h19
Blonde un jour… 😉
Moka · 20 octobre 2013 à 09h01
Je le veuuuuuuuuuuux !
Noukette · 22 octobre 2013 à 23h19
Comme je te comprends !! Succombe !!
Alex-Mot-à-Mots · 20 octobre 2013 à 11h53
Après un tel billet, je ne peux que noter ce titre.
Noukette · 22 octobre 2013 à 23h19
Tu ne seras pas déçue !
Marion · 20 octobre 2013 à 12h43
Ca à l’air magnifique! Je le veux!
Noukette · 22 octobre 2013 à 23h20
Tu fais bien, c’est un premier roman qui mérite vraiment qu’on s’y intéresse !
Marion · 20 octobre 2013 à 23h05
La citation est superbe !
Noukette · 22 octobre 2013 à 23h20
Et je t’assure que j’ai eu beaucoup de mal à la choisir… C’est un roman très fort !
sylire · 22 octobre 2013 à 07h11
Un premier roman qui fait un tabac sur les blogs !
Noukette · 22 octobre 2013 à 23h21
Et j’espère que ça va continuer !!
Cess · 23 octobre 2013 à 10h13
Tu en parles superbement bien, mais je ne sais pas si j’ai envie d’un livre qui va me rendre triste.
Mais je note, car je sais qu’il faut aussi lire des livres comme ça pour la beauté de l’écriture, pour ce qu’ils nous font ressentir… et parce que tu sais donner envie !
Noukette · 23 octobre 2013 à 22h32
Tu me flattes…! Oui, c’est un très beau premier roman, triste mais beau…
Nadael · 23 octobre 2013 à 18h07
Très tentant, je note!
Noukette · 23 octobre 2013 à 22h37
C’est une lecture qui laisse des traces longtemps après…!
Anne Sophie · 10 novembre 2013 à 17h22
Stephie m’avais donné envie de le lire, tu enfonces le clou !
Noukette · 13 novembre 2013 à 23h09
C’est un magnifique premier roman, à découvrir absolument !
Kidae · 25 octobre 2014 à 21h37
Un très beau roman, dur certes mais le style de l’auteur et les chapitres courts fait que l’on peut continuer à lire malgré des moment difficiles.
Noukette · 27 octobre 2014 à 11h04
Je suis étonnée qu’on en ait si peu parlé finalement, un an après son souvenir reste encore très fort !
Kidae · 27 octobre 2014 à 11h08
Tout à fait d’accord avec toi !
Noukette · 27 octobre 2014 à 11h26
Y’a plus qu’à espérer une sortie poche, un jour… 😉
colette labrouquere · 22 avril 2015 à 11h15
Pas encore déçue par vos conseils de lecture.J’ai adoré!!!!!!
Noukette · 23 avril 2015 à 23h30
Merci beaucoup, votre commentaire me touche…! Je garde un excellent souvenir de ce premier roman, elle vient d’en sortir un second d’ailleurs, hâte de le découvrir !
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