De nos jours dans une Espagne marquée par la crise.
Une bande de retraités affichant tous minimum 80 ans au compteur, s’adonnent à la vente à la sauvette d’objets douteux pour arrondir leurs fins de mois. Un trafic que ne voit pas d’un très bon œil Alvaro, le petit-fils de Niceto, las de devoir si souvent plaider sa cause auprès d’une police pour l’instant bienveillante et prête à fermer les yeux. Pour peu que toutes ces histoires arrivent aux oreilles de son père, médecin légiste de profession, il est peu probable que celui ci lui trouve des circonstances atténuantes…
Alvaro lui en trouve lui, des circonstances atténuantes à son vieux papy. Difficile d’en vouloir à un ancien militant, héros de la résistance pendant la guerre d’Espagne. Il l’est aussi un peu pour lui finalement, un héros. S’il pouvait, il le protègerait, de tout, et pourquoi pas de lui-même… La vie, elle, suit son cours, avec son cortège de mauvaise surprises. Longino, un des vieux amis de Niceto, disparait. Quelques jours plus tard, il vite retrouvé mort, visiblement assassiné. Et ce n’est que le début d’une macabre série…
C’est peu dire que cet album est surprenant… Et pas seulement parce que le célèbre scénariste de Blacksad se lance dans l’illustration (ce qui est plutôt pour le coup une sacré bonne nouvelle tant le bougre s’y attelle avec brio…). Ça commence comme un bon polar à l’ancienne avec disparitions inquiétantes, meurtres sauvages et ambiance poisseuse. Les personnages ont de vraies gueules et on imagine sans peine leur passé de militants anti-franquistes et leurs faits d’armes. Les compagnons de lutte ont vieilli et c’est maintenant contre le temps qu’ils se battent, un ennemi pour le moins sournois et difficile à maîtriser…
Dès les premières planches, le lecteur est ferré, s’imaginant tout un tas de scénarios pour tenter de démasquer le coupable de ces meurtres abjects sur des vieillards. Mais plus l’histoire avance, plus on se rend compte qu’on se fourvoie… Sous couvert d’un polar assez classique, Juan Díaz Canales raconte en fait une histoire bien plus sensible et intimiste qu’il n’y parait. Au fil de l’eau, du temps qui passe, des stigmates qu’il laisse, on finit par s’interroger nous aussi sur le sens de la vie, et le fait que la mort, même si on l’occulte, est inéluctable…
Reste que je ne suis pas certaine d’avoir compris où l’auteur voulait réellement en venir. Si je pense avoir saisi l’essentiel du message, je reste dans le flou concernant certaines décisions des personnages et leur volonté farouche de préserver coûte que coûte ce fameux « secret » qui doit absolument le rester… Un bien bel album, au noir et blanc hypnotisant, qui gardera donc sa part de mystère…
Une découverte que je partage avec mes âmes damnés Jérôme et Mo’. Jacques en parle aussi aujourd’hui (les grands esprits 😉 )
« Le pire, c’est l’indifférence. Un beau jour, tu te rends compte que la réalité a gagné la partie. Une partie que tu n’avais même pas conscience de jouer. Et toi, tu restes impassible, comme un arbre que l’automne laisse avec la pantalon baissé au milieu du bois. Mais tels de bons arbres, nous vivons étrangers à cette ironie. Un arbre sans yeux, sans oreilles, sans dents… Pas un bûcheron pour donner un sens à ta vie, pas un oiseau sur tes branches. Juste des racines qui t’attachent à la terre qui jusqu’alors t’a nourri mais à qui bientôt tu rendras la faveur. »
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Éditions Rue de Sèvres (Septembre 2016)
112 p.
Prix :17,00 €
ISBN : 978-2-36981-309-5
8/18
Challenge 1% rentrée littéraire catégorie « Touche à tout »
chez Hérisson et Léa Touch Book
C’était ma BD de la semaine…
…aujourd’hui chez moi !
La BD de la semaine c’est aussi chez…
Mo’ Jérôme Jacques Mylène
Stephie
19 commentaires
Moka · 14 septembre 2016 à 06h57
Déjà, le dessin donne envie. Comme Mo, tu soulèves quelques interrogations.Voilà deux semaines qu’on parle de ce titre pour la BD de la semaine et bien qu’il attire mon attention, je ne le place pas comme prioritaire dans mes découvertes.
Stephie · 14 septembre 2016 à 07h44
J’ai justement aimé cette part de mystère qui reste. Sinon, ils auraient dû nous tuer aussi 🙂
Mo · 14 septembre 2016 à 08h10
Quelques précisions et quelques pages supplémentaires n’auraient pas été pour me déplaire. Et comme toi, je me suis régalée avec les illustrations !
enna · 14 septembre 2016 à 09h16
Ce que tu en dis est très tentant et les dessins ont l’air vraiment beaux si j’en juge la couverture!
framboise · 14 septembre 2016 à 09h30
Elle me fait drôlement envie malgré vos réserves, je crois que je vais me laisser toutafé tenter !
Léa Touch Book · 14 septembre 2016 à 09h31
Le style du dessin et l’histoire m’intéressent beaucoup !! 🙂
Mylene · 14 septembre 2016 à 10h53
comme toi je pense que je n’ai pas réussi à saisir 100% du mystère mais j’ai aussi beaucoup aimé le message global de l’histoire
Jerome · 14 septembre 2016 à 12h43
Surprenant, c’est le mot ! Mais j’en ressors conquis, davantage par l’ambiance que par l’histoire en elle-même.
Caro · 14 septembre 2016 à 14h53
Bien tentée par cet album, pour voir comment l’auteur a évolué depuis Blacksad… Je note !
Violette · 14 septembre 2016 à 16h18
toi aussi tu es plutôt en mode mineur?! Zut zut !!!
bouma · 14 septembre 2016 à 17h01
si avec tous vos avis positifs je ne finis pas par le lire celui-ci…
j’avais adoré Blacksad donc forcément je le note.
Eric the Tiger · 14 septembre 2016 à 17h08
Ton article a éveillé ma curiosité. Merci. Au plaisir de te relire…
krol · 14 septembre 2016 à 20h41
Bah à vous lire, je reste perplexe !
krol · 14 septembre 2016 à 20h42
Euh ! C’est pas que je te vouvoie, ce vous est collectif !!! 😉
sabine · 15 septembre 2016 à 18h14
Difficile de résister tout de même à l’appel de cet album !
A_girl_from_earth · 22 septembre 2016 à 23h10
Graphiquement, ça a l’air quelque chose ! Et puis j’aime l’auteur ! Malgré les zones d’ombre, je pense que je le lirai un jour.
soukee · 29 décembre 2016 à 18h57
C’est vrai qu’il réside une part de mystère à la fin ! 😉 J’ai vraiment apprécié le coup de pinceau de Juan Diaz Canales et la mélancolie qui se dégage de tout ça…
Au fil de l’eau (Diaz Canalès) – Bar à BD · 14 septembre 2016 à 07h37
[…] si ce n’est une seconde lecture ou, mieux, la lecture des chroniques de Jérôme et de Noukette qui m’ont accompagnée dans cette découverte. Je vous invite à lire leurs […]
Au fil de l’eau : Juan Díaz Canalès – Enna lit, Enna Vit! · 25 septembre 2019 à 10h24
[…] repéré cet album chez Mo et Noukette, et quand je l’ai vu dans le Masse Critique BD j’ai donc sauté sur […]