C’est un petit immeuble minable au milieu des immeubles minables. Un « schelem » comme dit son père. Ici, les gens se croisent sans se dire bonjour, peut-être qu’ils ne s’aiment pas, peut-être qu’ils s’en fichent. En tous cas ils sont tous moches, dedans comme dehors, comme l’immeuble délabré dans lequel ils habitent.
Elle, elle observe. Elle voit tout. Elle entend tout. Et elle n’aime pas les gens. Tous les gens. Sa famille en premier, d’ailleurs, savent-ils vraiment qu’elle existe…? Son père part tous les matins avec sa petite valisette, la mine défaite, un homme d’affaires il parait. Sa mère reste avachie devant la télé et accueille des hommes dès qu’elle se retrouve seule. Ils font des bruits bizarres après, mais ça, elle a l’habitude. Pour ça qu’elle passe son temps à jouer près des poubelles avec des pigeons éborgnés et des rats crevés…
… je l’ai vu dans mon appareil à histoires.
Même que dedans je vois des belles choses…
… qu’un jour moi aussi je vivrai.
Il était une fois une petite fille de la ville qui n’aimait pas les gens. Dans son costume de fée, baguette pas magique à la main, elle a un plan pour se débarrasser d’eux, un par un. Un plan qu’elle ficelle minutieusement et répète dans les moindres détails dans son vrai château de princesse qu’elle a construit toute seule, une maison de poupée remplie de figurines qui finiront toutes dans d’atroces souffrances. Comme les gens dans la vraie vie. A commencer par son grand frère qui se retrouvera écrabouillé par un ascenseur vétuste… La vie n’est pas un conte de fée faut croire. Pas de palais au milieu d’une forêt, que des gens qui mentent et font semblant d’être ce qu’ils ne sont pas. A part peut-être Grignotte la chatte des vieux voisins racistes et Pierre qui cultive son jardin..
Un léger bruit dans le moteur était l’adaptation du roman du même nom de Jean-Luc Luciani, il avait reçu le prix SNCF du polar 2013, tu t’en rappelles ? Moi j’avais adoré, l’audace, le poisseux, le cynisme. Cette petite fille qui tue des gens pourrait être une cousine éloignée de ce petit garçon qui lui aussi tuait des gens. Si les univers sont différents, on y retrouve la même misère humaine, la même violence, la même bêtise crasse… Pour ces deux enfants, tuer semble la seule porte de sortie vers un monde meilleur..? Si tant est qu’il existe.
Les éditions Petit à petit rééditent aujourd’hui Un léger bruit dans le moteur et sa petite sœur donc, pas vraiment une suite mais une filiation évidente. Après Jonathan Munoz qui fait une petite apparition en forme de clin d’œil au début de l’album, Gaet’z s’associe avec Etienne Friess au dessin et c’est à nouveau une réussite ! Une plongée dans ce que l’âme humaine a de plus sordide… tout est glauque, sombre, sans issue et tellement, tellement jouissif…! A planquer loin des petites mains et à déguster lentement en cachette, vous me direz des nouvelles de ce léger goût qui vous restera sous le palais.





| Un léger goût sous le palais de Gaet’s et Etienne Friess Éditions Petit à petit (Novembre 2025) 128 p. / 19,90 € / ISBN : 978-2-38046-227-2 |

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