Il pleut sur la ville et dans le cœur de François ça ne danse pas la sarabande. Une petite vie terne et sans relief. Job alimentaire, horizon bouché, quotidien routinier et solitude chevillée au corps… Les rêves de François sont en sommeil et lui tiennent difficilement la tête hors de l’eau.

Il pleut sur la ville et les gouttes cinglent les pavés comme autant de larmes refoulées. Si les rêves sont inaccessibles, il reste tout de même des petits plaisirs qui donnent l’illusion qu’il suffirait parfois de pas grand chose pour que la roue tourne dans le bon sens. Le sourire de Maryvonne qui rêve elle aussi d’un ailleurs meilleur, cette bière bien fraîche qu’il déguste chaque jour au zinc en tentant d’oublier qu’il trime pour un salaire de misère et ces numéros fétiches qu’il joue chaque semaine au loto en imaginant l’autre vie qu’ils pourraient lui offrir.

Des années à trimer comme chauffeur dans une blanchisserie, des centaines de livraisons dans des hôtels de luxe et chez des particuliers friqués sans aucune reconnaissance ni aucune augmentation… A quel moment sent-on que notre vie nous échappe ? Il y a t-il un signe qui annonce que les cartes vont être redistribuées ? Une légère onde, un pas de côté dans le quotidien prévisible de François… se pourrait-il qu’il puisse enfin être maître de son destin ? Et si, finalement, la vie décidait de lui jouer des tours ? Hasard, (mal)heureuse coïncidence, certaines routes se révèlent être des voies sans issue…

Hypnotique. Je découvre le travail de Joris Mertens avec ce deuxième album après le déjà remarqué Béatrice et je suis subjuguée par tant de maitrise. La lumière, les cadrages et les découpages quasi cinématographiques sont bluffants. Il suffit de quelques planches pour être plongé dans cette ambiance sombre et humide qui nous étreint autant qu’elle nous enferme. Paysages urbains dans lesquels on s’englue, éclairages nocturnes ultra réalistes, déambulations mécaniques dans les rues d’une grande ville anonyme qui pourrait être Paris ou Bruxelles… on ressent de façon presque physique une sensation d’écrasement et de solitude immense dans ce décor qui n’a rien à envier aux films d’ambiance.

On prend son temps, la pluie martèle, les espoirs se liquéfient… jusqu’à ce point de non retour qui ne laisse aucune porte de sortie à notre (anti) héros de l’ombre. C’est poisseux et désespéré. Ça suinte et ça dégouline. C’est tout ce que j’aime.

 

Nettoyage à sec de Joris Mertens
Éditions Rue de Sèvres (Avril 2022)
160 p. / 25 € / ISBN : 978-2-8102-0170-9

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Caro                                             Natiora                                       Bidib


9 commentaires

Natiora · 1 juin 2022 à 07h51

Cet auteur a tout pour me plaire. Je voulais déjà découvrir Béatrice mais j’ai bien envie de faire d’une pierre deux coups.

eimelle · 1 juin 2022 à 08h50

j’ai découvert Béatrice il y a peu et j’ai beaucoup aimé, celui là a l’air très beau aussi !

Nathalie · 1 juin 2022 à 13h39

Ouch ! Pas très gai tout ça. Mais les dessins me plaisent bien. Je lirai les deux (un jour de grand soleil !) 😉

gambadou · 1 juin 2022 à 20h58

Toujours pas lu Béatrice qui est dans ma LAL mais toujours emprunté ! Je rajoute celui-là

Blandine · 2 juin 2022 à 13h22

J’ai eu la chance de rencontrer Joris Mertens au Festival du Livre de Paris. Il dédicaçait Béatrice (que j’ai choisi et aimé !) et celui-ci. Pendant qu’il faisait son dessin, j’en ai profité pour parler, il est très sympathique !
Nul doute que je m’offrirai aussi cet album 😉

Caro · 6 juin 2022 à 21h42

Beaucoup aimé « Béatrice », mais ici j’ai vu qu’il y avait du texte, alors je suis d’autant plus curieuse…

Fanny · 7 juin 2022 à 09h16

Oh mon dieu, ces dessins…! Je tombe sous le charme.

Bidib · 8 juin 2022 à 12h34

un titre qui à priori ne me faisait pas envie mais la façon dont tu en parle me fait changer d’avis

Sciamma · 20 novembre 2023 à 11h38

J’ai lu les deux, j’ai adoré !! Vivement qu’il en fasse d’autres…
Avec une légère préférence pour « Nettoyage à sec » et cette grande ville sous la pluie (cadrages cinématographiques magnifiques !)

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