Quel étrange petit roman ! Si la couverture donne le ton (j’ai toujours détesté les poupées, elles me font presque autant flipper que les clowns…), j’avoue que je ne m’attendais pas à ce que le côté « psychologique » prenne autant de place dans cette histoire. Une histoire apparemment tirée d’un fait divers sordide survenu il y a de nombreuses années à Rome impliquant un couple aristocratique et un lycéen. L’auteur avoue s’être également inspiré du Sanctuaire de Faulkner…
De fait, le portrait de femme qu’il nous livre ici est à la fois dérangeant et fascinant. Arianna, femme-enfant sophistiquée et élégante, est mariée à Giulio, plus âgé qu’elle et devenu impuissant suite à un accident. C’est d’ailleurs lui qui le premier propose à sa femme de satisfaire ses besoins plus que naturels en lui organisant des rencontres sexuelles avec des hommes.
Mais les règles sont strictes : Giulio sera toujours présent pendant les ébats de sa femme avec les jeunes éphèbes qu’elle choisit et elle ne pourra voir chacun d’entre eux que deux fois. Les rencontres furtives se font dans une cabine de plage, avec la bénédiction du mari fou amoureux et du patron des lieux, mafieux de son état. Jusqu’à ce qu’un grain de sable vienne enrayer la mécanique si bien huilée : Mario, 17 ans, succombe corps et âme au charme vénéneux d’Arianna et compte bien la revoir…
Le personnage d’Arianna est glaçant et fait froid dans le dos. Grâce à de nombreux flash-backs évoquant son enfance et son adolescence, le lecteur fait connaissance avec une femme véritablement déséquilibrée, parlant à une poupée et se réfugiant régulièrement dans son « toutamoi », recoin aménagé derrière une armoire où elle laisse échapper toute sa démence. Personnalité trouble, malsaine et perverse, on hésite un moment entre la plaindre ou la craindre… Et on finit par trouver tout ça un peu « too much »… L’intrigue se déroule sans grande surprise jusqu’à un final que j’avais vu venir à des kilomètres. L’intérêt réside donc essentiellement dans le personnage complexe d’Arianna, il faut dire qu’à ce stade, c’est presque un cas d’école…
Un roman déroutant oui mais qui ne me marquera pas de façon indélébile. Reste la découverte d’un auteur qui semble avoir tout un tas d’autres cordes à son arc (romans policiers classiques, romans noirs, nouvelles…) et dont la sobriété du style ne m’a pas déplu…
Au hasard des pages : « Ça, c’est le toutamoi qu’elle a réussi à s’aménager dès les premières années de son mariage avec Giulio.
Elle l’a meublé d’une petite table rose et d’une petite chaise de même couleur, elles ont dû appartenir à une ancêtre enfant et, là-dedans, il y a aussi une poupée de porcelaine de cinquante centimètres avec des yeux de verre qui s’ouvrent et se ferment.
La poupée est devenue son amie de cœur et s’appelle Stefania.
Stefania est restée une année entière à l’entrée du passage secret, à l’implorer de la laisser entrer dans le toutamoi, et elle a résisté longtemps mais un jour où la poupée s’était mise à pleurer et à se lamenter, elle a eu pitié et lui a dit oui, entre, et depuis lors Stefania n’a plus bougé de là. (p. 40)
Éditions Métailié Noir (Février 2015)
Collection Bibliothèque italienne
138 p.
Prix : 17,00 €
ISBN : 979-10-226-0143-6
22 commentaires
Jerome · 24 avril 2015 à 12h33
Pas pour moi, pas pour moi, pas pour moi…
(t’as vu, moi aussi je peux donner dans le commentaire constructif 😉 )
Noukette · 14 mai 2015 à 11h54
Pourquoi je ne suis pas étonnée…? 😉
ohoceane · 24 avril 2015 à 18h52
Voilà un auteur que j’aime bien ! En plus j’ai peur des poupées pour de vrai…
Noukette · 14 mai 2015 à 12h00
Tu me comprends alors 😉
Ariane · 24 avril 2015 à 19h11
Rrrrôh je ne suis pas la seule à avoir peur des poupées ! ça fait du bien, j’ai moins le sentiment d’être une extra-terrestre ! Pour le roman, pourquoi pas s’il croise ma route.
Noukette · 14 mai 2015 à 12h00
C’est flippant les poupées, surtout celles en porcelaine avec des yeux en verre… Brrrrr….!
Valérie · 24 avril 2015 à 21h06
Voici une auteure que j’hésite à découvrir (l’une de mes copines l’aime beaucoup).
Noukette · 14 mai 2015 à 12h02
C’est un vieux monsieur, visiblement il a ses afficianodos ! 😉
dasola · 25 avril 2015 à 09h15
Bonjour Noukette, malgré tes réserves, je le note. Je remarque que Andrea Camilleri a l’art de brosser des personnages féminins assez effrayants (lire le Tailleur gris). Bon samedi PS pour Valérie, Andrea Camilleri est un homme qui va bientôt fêter ses 90 ans.
Noukette · 14 mai 2015 à 12h03
C’était une première incursion dans son univers pour moi, c’est particulier mais je retenterai peut-être l’expérience !
Une ribambelle · 26 avril 2015 à 08h15
Dommage que la fin soit convenue.
Les poupées ça va mais les clowns je ne les aime pas du tout ; ils me font pitié en fait.
Noukette · 14 mai 2015 à 12h11
C’est un étrange petit roman je dois dire…
Laure · 26 avril 2015 à 10h50
Je n’aime ni les poupées, (ni les clowns), mais j’ai un très bon souvenir de son Tailleur gris. Il a l’air d’avoir beaucoup de défauts, mais le côté déroutant et psychologique m’attire malgré tout.
Noukette · 14 mai 2015 à 12h16
Je ne connais pas ses autres romans, je retiens l’idée du Tailleur gris 😉
Cristina · 26 avril 2015 à 19h30
C’est drôle ma fille a toujours eu peur des clowns. Dès qu’elle en voit un, elle hurle alors je me demande ce qui a bien pu vous arriver à toutes les deux pour avoir si peur d’un nez rouge ? ^^
Avec la meilleure volonté du monde ce livre n’est pas pour moi, rien que la première page me fait peur et pourtant moi les clowns j’aime bien 😀
Bon dimanche soir
Noukette · 14 mai 2015 à 12h18
Et si je te disais que j’ai aussi peur des marionnettes…? C’est grave docteur ? 😉
Hélène · 28 avril 2015 à 08h32
J’aime assez Camilleri, mais là, je passe mon tour 😉
Noukette · 14 mai 2015 à 12h27
Dommage, j’aurais aimé lire ton avis d’experte ! 😉
Moka · 4 mai 2015 à 09h15
Je ne suis pas tentée… C’est très loin de ce que je lis et j’aime lire…
Noukette · 14 mai 2015 à 12h51
Oui, pas ta came ça ! 😉
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