« J’ai un poème et une cicatrice.
De ma lèvre inférieure jusqu’au tréfonds de ma chemise, il y a cette empreinte de l’histoire, cette marque indélébile que je m’efforce de recouvrir de mon écharpe afin d’en épargner la vue à ceux qui croisent ma route. Quant au poème, il me hante comme une musique entêtante, ses mots rampent dans mon crâne d’où ils voudraient sortir pour dire leur douleur au monde. (…)
Voilà pour mon armoire à souvenirs. J’ai pris soin de la cadenasser solidement, et, la plupart du temps, cela marche. C’est la seule solution pour rester, à ma manière, assez heureux. Mais les cadenas sont fragiles et il est impossible d’oublier une cicatrice lorsque celle-ci fait office de masque que l’on ne peut retirer. »
C’est peu dire que ce roman laisse des traces… Arriver à faire sourire le monde. Mélanger toutes les saveurs. Un peu de douceur qui met du baume au cœur. Un soupçon de légèreté qui ravit les papilles. Quelques grammes d’amertume qui étirent les sourires en grimaces. Et cette douleur lancinante qui lacère et fait battre le cœur plus fort…
Le premier roman de Gilles Marchand est un diamant brut empreint de douce folie. Beau et triste. Solaire. Unique…
C’est l’histoire d’un homme et de sa cicatrice. C’est l’histoire d’un homme et de son passé. C’est l’histoire d’un homme et de la drôle de famille qu’il se choisit. Un homme aux petits rituels bien huilés et aux repères immuables qui lui servent de carapace. Des colonnes de chiffres à dompter dans la journée, quelques considérations sur le temps partagées avec sa boulangère, cette dame qui promène son chien chaque soir à qui il n’ose pas adresser la parole… et ses amis qu’il retrouve la nuit dans ce bar-forteresse où ils ont leurs habitudes depuis plus de dix ans. Entre eux, beaucoup de silences, les Beatles et une intimité qui ne dit pas son nom. La vraie amitié est souvent celle qui sait se taire…
Mais certains mots doivent se dire… Et l’homme commence à raconter. A se raconter. Pour lui. Pour ses amis. Doucement, il déroule les fils de son passé. Petit à petit, il relève un pan du voile… Son visage défiguré dissimulé par une écharpe. Son grand-père qui a tout fait pour réenchanter son monde. Ces regards sur lui qu’il a dû apprendre à ignorer. Ce quotidien qu’il a fallu réapprendre. Et l’homme secret se fait conteur devant une foule de curieux anonymes qui ne cesse de grossir, l’encourageant à se livrer chaque soir davantage… Jusqu’à l’ultime confidence qu’il ne délivrera qu’à ceux qui peuvent l’entendre. Jusqu’au récit de cette journée qui n’aurait jamais dû avoir lieu… Et l’Histoire, la grande, n’est jamais bien loin…
« Ne pas s’encombrer de la réalité, transformer son présent pour oublier son passé. »
Il y a le monde dans ce roman. Une vérité bien trop triste et des mensonges salutaires. Des personnages qu’on aime d’amour. Des lettres d’outre-tombe. Des enfants jamais nés. Et tout est tellement normal…
Oui, ce livre déborde d’amour. Et il fait un bien fou… On tourne la dernière page comme orphelin, sonné par la découverte, ému aux larmes, la gorge nouée, peut-être un peu meilleur qu’avant… De la littérature comme je l’aime où l’on croise sans sourciller des petites filles qui dansent sur des tas d’ordures, des réverbères suicidaires, des musiciens tsiganes, un python qui glisse dans les escaliers, des soldats de plomb, des livres qui construisent, des amours platoniques et un grand-père fantasque qui travestit le monde pour le rendre supportable…
Tombée en amour… Une bouche sans personne ou mon premier gros coup de cœur de cette rentrée. Ou quand la littérature a ce petit supplément d’âme qui fait toute la différence… Magique ♥
Éditions Aux Forges du Vulcain (Août 2016)
282 p.
Prix : 17,00 €
ISBN : 978-2-37305-013-4
4/18
Challenge 1% rentrée littéraire catégorie « Touche à tout »
chez Hérisson et Léa Touch Book
17 commentaires
Hélène · 29 août 2016 à 08h53
Je l’avais laissé de côté mais au vu de ton coup de coeur, je vais peut-être changer d’avis !
Stephie · 29 août 2016 à 09h15
Je t’ai lue en diagonale car il fait partie de ceux que je veux découvrir en en sachant le moins possible
framboise · 29 août 2016 à 09h41
Punaise 😉
(oui ce commentaire ne sert à rien, à part faire frémir mon banquier !)
Cajou · 29 août 2016 à 10h55
Bon… Je suis touchée en plein coeur par ton billet… Je l’achète en rentrant du boulot ! Merci pour la découverte <3
Nicole G · 29 août 2016 à 11h14
Je crois que je suis passée à côté, contrairement à Charlotte et Eglantine… Malgré le thème et une certaine ambition, il ne m’a pas captée. Mais l’unanimité n’existe pas alors… Il sera intéressant de voir comment il sera reçu dans la communauté des 68.
Alex-Mot-à-Mots · 29 août 2016 à 11h15
Tombé en amour ? Rien que ça !
LaFée · 29 août 2016 à 11h44
C est malin… Je n en avais jamais entendu parler et maintenant je le veux je le veux je le veux 🙂
Léa Touch Book · 29 août 2016 à 11h46
Il est dans ma PAL, je sens que je vais adorer 🙂
Jerome · 29 août 2016 à 12h44
Tu sais qu’il m’attend et tu sais que je vais bientôt lui donner toute l’attention qu’il mérite. Superbe ton billet, vraiment <3
Violette · 29 août 2016 à 15h41
comme Framboise (pour rester polie!) Tentation ô tentation!!!
Cajou · 29 août 2016 à 17h22
Rhoooo, les doux hasards de la vie… Je te disais que je le commande quand je rentre du boulot et… qu’est ce que je trouve dans ma BAL en rentrant ?? Le roman !! Waouh, j’adore ces heureux hasards, et du coup j’ai hâte de le lire !
Aifelle · 30 août 2016 à 06h46
Ton billet donne envie de l’acheter immédiatement. Mais comme je suis raisonnable, je vais attendre un peu. Je n’en avais pas encore entendu parler/
krol · 30 août 2016 à 07h57
Tu es inspirée quand tu aimes !
clara · 30 août 2016 à 21h08
et bien après avoir lu ton billet, j’ai des poissons d’eau dans les yeux ( c’est malin:))
Lire au lit · 15 septembre 2016 à 19h18
Hélas, quelle déception pour moi (je n’ai pas encore posté l’article sur mon blog, demain peut-être): des longueurs, des longueurs, une fantaisie que j’ai trouvée, comment dire… forcée. Vraiment, je n’ai pas du tout accroché. Bon, je connaissais le poème de Tardieu… je sentais où il voulait nous mener… Mais que de digressions… Non, vraiment, bof, bof…
Joëlle · 23 octobre 2016 à 09h20
Quel choc ce livre, j’ai été bouleversée…
Une bouche sans personne –Gilles Marchand | Luocine · 2 mars 2017 à 12h27
[…] Jérôme de me signaler que Noukette en avait fait un coup […]