Lire ce roman m’a fait m’interroger. Pas sur le couple, pas même sur la culpabilité, ni même sur la solitude ou les rapports viscéralement biaisés entre employeurs et employés… Bizarrement, je me suis plus interrogée sur ma façon de lire et de bloguer…
Il est évident qu’on ne lit pas de la même façon un livre encensé par la critique et un livre dont on fait réellement la découverte. Il est également évident qu’avoir lu de nombreux avis élogieux le concernant augmente fortement l’horizon d’attente.
Est-ce à dire que je n’aurais pas écrit le même billet si j’avais lu Chanson douce vierge de tout avis ? Est-ce qu’on devient forcément plus critique quand un roman reçoit un prix hautement convoité, par pur esprit de contradiction ? Est-ce qu’on cherche volontairement les failles ? Est-ce qu’au contraire on souhaite suivre le mouvement…?
Rentrée littéraire, prix, effet de mode… Finalement, est-ce qu’un avis « à chaud » est préférable à un avis qui a eu le temps de décanter et de s’affiner après d’autres lectures et d’autres coups de cœur plus « sincères »…?
J’ai dévoré Chanson douce en moins d’une journée pourtant je dois avouer que je me demande ce qui m’en restera dans quelques semaines… Construit comme un thriller psychologique, le roman est pourtant impossible à lâcher. Addictif oui, c’est le mot. Chronique d’un drame dont on sait tout dès les premières lignes, l’auteure se focalise sur toutes ces petites choses qui auraient pu le prévenir voire même l’empêcher. Comment cette nounou si parfaite a-t-elle pu commettre un crime aussi atroce ? Et c’est là que Leïla Slimani est très forte… Elle distille le malaise à petites doses, égrène les faits avec parcimonie. Et elle le fait avec distance, froidement, implacablement. Comme Louise, elle tisse sa toile de façon presque imperceptible. Et le lecteur se laisse endormir… alors même qu’il sait que les dés sont jetés et qu’aucune issue n’est possible…
« Bien sûr, il suffirait d’y mettre fin, de tout arrêter là. Mais Louise a les clés de chez eux, elle sait tout, elle s’est incrustée dans leur vie si profondément qu’elle semble maintenant impossible à déloger. Ils la repousseront et elle reviendra. Ils feront leurs adieux et elle cognera contre la porte, elle rentrera quand même, elle sera menaçante, comme un amant blessé. »
Que ce serait-il passé si Leïla Slimani n’avait pas choisi de commencer son roman par la fin…? Le lecteur aurait-il perçu la menace ? Aurait-il été plus attentif aux signes ? Aurait-il vu venir le drame ? Le fait est que la construction à rebours accentue l’effet « épée de Damoclès » en nous éloignant du banal thriller. Habile. Toute l’attention du lecteur se focalise sur les comportement humains, les déviances, la folie qui couve… Chanson douce est un roman brut très ancré dans son temps. Peut-être trop, à vous de voir… Il me laisse aujourd’hui une sensation difficilement explicable de malaise accentuée par cette fin que j’ai trouvé bien trop expéditive…
Une lecture que j’ai pris pourtant grand plaisir à partager avec Leiloona et Moka ♥
Les avis de Brize, Cajou, Clara, Cuné, Delphine-Olympe, Hélène, Joëlle, Keisha, Laure, Mélo, Papillon, Pr Platypus, Sylire, Valérie…
Éditions Gallimard (Août 2016)
Collection Blanche
240 p.
Prix : 18,00 €
ISBN : 978-2-07-019667-8
29/18
Challenge 3% rentrée littéraire catégorie « Touche à tout » réussi
chez Hérisson et Léa Touch Book
32 commentaires
Aifelle · 10 novembre 2016 à 06h32
Je ne suis pas sûre de le lire, je n’en ai pas très envie. De toute façon, je vais laisser passer du temps, les livres qui sont trop encensés me découragent d’avance.
keisha · 10 novembre 2016 à 07h19
Comme toi je me suis posé des questions (et même failli ne pas faire de billet…) Nos avis, nos attentes sont-elles tributaires des échos sur un livre? D’où la nécessite de parfois lire le truc inconnu, dont personne n’a parlé depuis des années.
Comme toi aussi j’ai préféré savoir dès le début comment cela se termine. L’on suit mieux les détails y conduisant.
Leiloona · 10 novembre 2016 à 07h39
Oui, très ancré dans le temps, un roman contemporain qui dissèque certains traits de la société ? Effectivement construire ce roman par un retour en arrière est très habile, et le lecteur se fait décortiqueur de carcasse de poulet lui aussi.
Hélène · 10 novembre 2016 à 08h30
Comme toi j’ai ressenti un malaise. Il m’a aussi interrogé, mais pour moi tu me connais les questions tournaient plus autour de ma capacité à apprécier un roman français médiatisé. Je me rends compte cette année que je suis réellement à côté, part « le garçon » j’ai vraiment peu apprécié mes lectures liées aux prix littéraires…
Kathel · 10 novembre 2016 à 10h17
Je suis contente de lire un avis différent, et je me retrouve tout à fait dans tes interrogations… en général, et pas concernant ce livre. J’ai lu attentivement tous les billets qui en parlent, pensant justement que je ne le lirai pas, et j’en sais bien assez comme ça. Si en plus, tu penses qu’il ne t’en restera pas grand chose, je passe d’autant plus volontiers.
framboise · 10 novembre 2016 à 10h39
Uhhhhh, moi qui étais entrain de dire qu’il faudrait vraiment que je m’y colle ! Alors que je n’en ai pas bien envie (et pourtant ai bcp aimé son 1er roman !) mais la thématique erf ne me séduit pas bien, voire me fait frissonner ! Ai-je envie de lire ça ? Est ce qu’il faut que je le lise ? Bref, cette auteure vient à la Fête du Livre de Toulon, je crois bien que, malgré tes bémols, je n’y résisterai pas ! A voir 😉
Bisous ma fée <3
Jerome · 10 novembre 2016 à 13h04
Tu sais bien que je ne l’aurais pas lu, même si tu avais débordé d’enthousiasme. Pas de regret donc, surtout après avoir lu ton billet.
papillon · 10 novembre 2016 à 13h31
Je l’ai lu avant le prix et je ne l’ai pas du tout trouvé addictif , j’ai même failli l’abondonner tant je trouvais le personnage de Louise caricatural (trop parfaite côté face, trop malheureuse côté pile). Je ne regrette pas de l’avoir lu parce que la seconde partie est vraiment bien fichu, mais je trouve que rien ne justifiait un Goncourt. Mais je crois que le Goncourt est en train de changer en cherchant à mettre en avant des romans qui ne sont pas forcément littéraires mais bankables.
Laeti · 10 novembre 2016 à 14h03
Comme je viens d’écrire à Moka, j’ai exactement eu le même sentiment après avoir lu son premier roman. Je l’ai lu très vite, il y avait aussi ce côté addictif, et pourtant, durant ma lecture, je n’étais pas en extase face au style ni face à l’histoire. C’est peut-être son personnage principal qui m’a séduite, mais pas dans le bon sens du terme. Enfin; tout ça pour dire que Chanson douce a l’air d’être de la même trempe et je ne suis pas pressée de le lire. J’ai le sentiment que le jury du Goncourt a voulu se moderniser en désignant ce livre, non?
Marie-Claude · 10 novembre 2016 à 14h38
Terminé hier soir, je suis songeuse. Une chose est certaine: il ne laisse personne indifférent!
clara · 10 novembre 2016 à 15h18
Comme toi, il ne ‘en restera pas grand chose dans plusieurs mois même si j’ai apprécié de le lire.
Syl. · 10 novembre 2016 à 20h42
Bonsoir, Je ne vais pas le lire car l’histoire ne m’accroche pas. Puis avec les avis que je lis, je ne suis pas tentée.
krol · 10 novembre 2016 à 21h12
Je ne le lirai sûrement pas. Mais ta réflexion sur la façon dont on perçoit, reçoit, les livres selon les avis, les critiques, est intéressante. Parfois, il est agréable de découvrir un roman sans en avoir jamais entendu parler !
Delphine-Olympe · 10 novembre 2016 à 22h34
C’est drôle parce que contrairement à bien d’autres personnes, et même si je l’ai lu rapidement, je ne l’ai pas trouvé addictif. En revanche, j’ai trouvé que la manière qu’a Slimani d’aborder cette relation très singulière de subordination, brouillée par beaucoup d’affect, était très intéressante.
luocine · 11 novembre 2016 à 15h06
J’adore le début de ton billet, oui nos lectures sont différentes quand notre avis est plus ou moins attendu. Mais il n’est pas meilleur pour autant quand je relis mes avis je trouve que les avis spontanés sont souvent plus justes que les avis ou je me suis sentie obligée d’apporter ma pierre à une contribution généralisé sauf quand je ne suis pas d’accord.
Léa Touch Book · 11 novembre 2016 à 17h02
Il faut que je le lise !! J’hésite à attendre ou non sa sortie poche ^^
Yv · 11 novembre 2016 à 17h09
Pas lu l’auteure dont évidemment on a beaucoup entendu parler… j’attendrai son prochain…
Valérie · 11 novembre 2016 à 19h24
J’en parlais avec une amie qui l’a abandonné en route. Quand elle m’a demandé comment la nourrice en était arrivée là, j’ai été incapable de le lui dire alors que je suis allée jusqu’au bout.
A_girl_from_earth · 11 novembre 2016 à 19h41
Ça ne m’avait pas tentée dès le départ dans le flot des titres de la RL, ça ne me tente toujours pas. Disons que je n’aurais rien d’autre à lire, peut-être… (et encore 🙂 ).
sylire · 12 novembre 2016 à 23h38
Intéressante réflexion.
Je n’ai pas adhéré à ce roman mais j’ai mis un certain temps à comprendre pourquoi.
gambadou · 13 novembre 2016 à 14h17
Beaucoup de mal avec le thème, je crois que je ne le lirais pas.
Laure · 13 novembre 2016 à 20h38
Je pense en effet que l’effet de commencer le début par la fin joue beaucoup, je ne sais pas trop comment j’aurais lu le livre sinon …
Cristina · 13 novembre 2016 à 20h57
Voilà que tu nous fais une très fine réflexion suite au différents avis que tu as eu avant ta lecture.
tu m’as donné envie de découvrir ce livre
hélène de Montaigu · 13 novembre 2016 à 22h16
Une très belle interrogation que j’ai partagée à l’infini.
Marguerite · 14 novembre 2016 à 04h05
J’ai vu ce roman un peu partout sur les blogs mais c’est la première fois que je lis un article au complet. Malgré tes bémols, tu me donnes envie de le lire.
Mo · 15 novembre 2016 à 12h23
Un commentaire pour rien, je ne suis pas certaine de lire ce roman un jour.
Par contre, j’aime bien la manière dont tu introduis ton article. Belle réflexion qui donne du grain à moudre 😉
Nadège · 18 novembre 2016 à 10h49
J’hésitais à le lire… je passe donc mon chemin!
Alex-Mot-à-Mots · 22 novembre 2016 à 17h19
Il m’attend dans ma liseuse, j’hésitai à le lire.
laurielit · 25 novembre 2016 à 15h24
encore plus déçue que toi par ce roman…addictif oui ans aucun doute…sûre aussi qu’il ne m’en restera rien. Bien construit mais pas surprenant. En fait je crois que j’attends davantage de surprise de mes lectures. Ta chronique me fait m’interroger sur une chose : n’aurais-je pas préféré finalement être surprise et ne pas savoir le dénouement. Peut-être là m’aurait-il surpris, marqué ce roman…je ne sais pas. Comme toi j’ai trouvé la fin trop expéditive, notamment le personnage de la policière qui semblait prendre de l’importance puis finalement non…bizarre.
Géraldine · 26 novembre 2016 à 00h52
Cette année, je me tiens plus éloignée de la rentrée littéraire, par manque de temps, par d’autres passions tout aussi chronophages… et aussi, parce qu’à force d’être « concentrée » sur les nouveautés, j’en viens à oublier les livres de ma PAL que j’ai achetés par envie et qui dorment… et sans doute; vieillissent quelque part.
Je ne pense pas lire ce roman, qui, depuis que tu as écrit ce billet, a reçu le Goncourt. Tout simplement parce qu’en lisant le pitch, j’ai l’impression d’un film déjà vu. Peut-être que je me trompe, mais bon…
Sandrion · 13 décembre 2016 à 09h27
Je viens de le finir ! J’ai vraiment beaucoup aimé, et c’est drôle car une des phrases de mon billet est au mot près la même que la tienne alors que je fais toujours en sorte de ne pas lire les billets des autres avant ! 😉
Chanson douce, Leïla Slimani, Goncourt 2016 | Bric à Book · 11 novembre 2016 à 11h03
[…] lecture que je partage avec Noukette et Moka ! […]