« Nous n’avons pas été sauvées. Une poignée d’entre nous s’est enfuie mais nous n’avons pas été sauvées. Nous sommes pour la plupart encore entre leurs mains. »
Savoir dès les premières lignes que l’on va au devant d’une lecture douloureuse et nécessaire…
Ne pas reprendre son souffle, s’immerger totalement dans ces mots qui disent l’indicible, tenter de reprendre un peu d’air, en vain…
Se dire que ce roman sera de ceux qui marquent au fer rouge, qu’il laissera son empreinte, au corps et au cœur…
Je dansais ou la valse lancinante des captives. Ces corps malmenés, ces chairs bafouées, ces esprits colonisés par une violence sourde qui ne se cache même plus. Ces voix qui s’élèvent, entêtantes et douloureuses, qui se font silence et force, brisent les murs et éclatent au grand jour…
« Et nous sommes les femmes prises sans répit tout au long de l’histoire humaine.
Nous petites encore fraîches, données en pâture au sexe violent des soldats, à l’éboulis que sont leurs corps de pierre sur nos corps duveteux, puis, quand tout en nous s’est éteint, quand nul ne voudra plus nous reconnaître, quand nous serons l’abîme sous les pieds des vivants, jetées, livrées aux crachats ou finies à la machette, à la kalach, à mains nues. »
Je dansais m’a mise KO. Brillant dans sa narration, impeccable dans sa construction soutenue par cette plume rageuse qui lacère et n’épargne pas, par ces mots qui oublient de caresser et dévoilent l’insoutenable. Une écriture de l’urgence qui explore les zones d’ombres de l’humanité dans ce qu’elle peut avoir de plus monstrueux…
Quatre murs. Marie y vit depuis trois ans, séquestrée par un homme qui a vu dans son regard la possibilité d’un amour fou qui lui redonnerait enfin l’impression d’exister. Trois ans claquemurée dans un silence assourdissant pour tenter de rester soi, un peu, au dedans. Trois ans pendant lesquels les souvenirs s’estompent et l’espoir s’étiole. Avant, Marie dansait…
« Son exaltation, ma tragédie, nos réalités sont aussi liées qu’irréconciliables. »
En résonance, comme un écho à l’enfermement de Marie, ces voix du monde qui disent les violences faites aux femmes devenues proies, esclaves et trophées. Ce « nous », universel, qui vous glace… Ces voix qui hurlent en silence et disent les chairs à vif, le vide de l’âme… et malgré tout, ce désir puissant de survie qui bat dans les veines, cette résistance essentielle qui donne corps à l’espoir…
Un roman d’une rare puissance, tragique et poétique, dans lequel on sombre corps et âme… Coup de cœur !
Les avis d’Antigone, Joëlle, Jostein, L’or des livres
Éditions Grasset (Février 2017)
160 p.
Prix : 16,00 €
ISBN : 978-2-246-86255-0
Millésime 2017, chez Laure !
20 commentaires
Aifelle · 11 février 2017 à 06h43
Une lecture à prendre avec précaution ..
yueyin · 11 février 2017 à 07h52
Houla trop dur pour moi, j’en ai peur… Petite nature je suis
Stephie · 11 février 2017 à 09h32
Encore une auteure que je dois découvrir…
L'Irrégulière · 11 février 2017 à 09h54
ça a l’air bouleversant en effet…
Emma · 11 février 2017 à 10h17
Pas trop envie de lire ce genre là en ce moment mais je retiens tout de même le nom de l’auteur.
Virginie · 11 février 2017 à 10h50
J’avais lu et bien aimé « Chez eux » du même auteur, et c’est vrai qu’elle a du talent !
A_girl_from_earth · 11 février 2017 à 11h56
Ouhlala ça m’a l’air dur quand même comme thématique et comme ambiance. Probablement pas pour tout de suite, mais je note que c’est un coup de coeur.
krol · 11 février 2017 à 12h15
Et bien dis donc, ce livre t’a marquée ! Je n’ai jamais entendu parler de l’auteur !
framboise · 11 février 2017 à 13h47
Punaise com il est fort et beau ton billet copine <3
Je l'ai, il m'attend, je ne suis pas encore prête (encore un avec celui de Valentine Goby et le Manoukian….) Au sortir de l'hiver, je crois, j'espère :-p
Léa Touch Book · 11 février 2017 à 16h02
Cela a l’air terriblement émouvant, je prends note ! 🙂
Valérie · 11 février 2017 à 20h24
J’avais beaucoup aimé son précédent. Le thème me fait encore hésiter un peu.
Une ribambelle · 12 février 2017 à 09h27
Je pourrais le lire et le thème ne me fait pas hésiter. Un auteur que je ne connaissais pas du tout.
Mo · 12 février 2017 à 10h46
Noukette… a chaque fois que je te lis tu parviens à me tenter !
gambadou · 12 février 2017 à 20h46
Il est noté dans ma LAL mais il n’est pas à la bibliothèque. Il faut que je le note dans leur cahier de suggestion d’achat
Alex-Mot-à-Mots · 13 février 2017 à 13h01
Une lecture qui m’attire et me repousse à la fois.
Moka · 14 février 2017 à 08h40
Un indispensable semble-t-il…
Jerome · 14 février 2017 à 12h04
Purée, c’est glauque tout ça quand même…
Folavril · 14 février 2017 à 15h26
Ta chronique est vraiment tentatrice!
Livresse des Mots · 17 février 2017 à 12h02
Ça a l’air très dur, et très fort… si je croise ce roman, peut-être m’y arrêterai-je…
Leiloona · 19 avril 2017 à 10h32
J’ai mis le temps avant de l’ouvrir, parce qu’entre lui et le Manoukian pfiuuu … bref, oui on nous malmène mais et encore, dirais-je, là ce ne sont que des mots. :/