Sophie enjambe le rebord de la baignoire et tire le rideau de douche sur une énième journée éreintante. Les enfants sont couchés, oui, couchés, le dernier pipi fait, le verre d’eau bu, la veilleuse en route, les trois histoires lues, la porte entrouverte avec la lumière du couloir allumée, la table du dîner débarrassée, les vêtements sales dans le panier à linge. La mère de famille met en route sa playlist relax/child-out dans la salle de bain et s’apprête à profiter de son premier instant seule depuis son réveil à 7h02. La solitude. C’est l’absence de moments pour elle, à elle, qui lui manquent le plus de sa vie d’avant. Elle n’aurait pas cru.

Sophie est impeccable. En apparence. De l’allure à trente six ans, avec trois minots qui plus est, un boulot, un mari et une vie folle à mener. A ranger, à organiser, à ordonner, à nettoyer, à classer, à vivre. Sophie EST la femme idéale, une merveille de perfection. Elle est celle que l’on voudrait être. Pourtant Sophie en a marre. De sa vie emmêlée. « Quelque chose a claqué en elle. Sophie ne voulait pas rentrer, ne pouvait pas. Elle ne voulait plus de cette vie-là. » Ce soir, Sophie n’est pas rentrée. Sans prévenir ni Loïc, ni les enfants, ni la crèche, ni l’école, ni le boulot, ni les copines… Ce soir, Sophie s’est mise « en mode silencieux ». Elle a disparu tout simplement.

Ce roman, je l’ai dévoré tout cru ! Pourtant, il n’est pas un total coup de cœur. Peut-être parce que la dernière partie du roman s’essouffle un poil et que les dernières lignes sont, disons, toutafé prévisibles. Néanmoins, ce premier roman m’a régalée, car il est comme un écho à la vie. Un écho grinçant, drôle et vrai à nos vies folles de femmes, mères, épouses, employées, copines… Des vies encore plus grandes que ça où les injonctions demeurent, où la pression est terrible. Des vies riches, étourdissantes mais des vies épuisantes souvent… Des vies qui nécessitent « juste un peu de temps ». Une respiration. Un creux. Un chemin de traverse parfois. Pour exister…

Et, il faut le dire, j’ai bien rigolé aussi ! Ce roman est délicieux de drôleries et de dérisions ! Bref, c’est un chouette moment de lecture à ne pas bouder !

Il lui semblait qu’en 2016 les femmes avaient acquis le droit de travailler, de voter, d’avoir leur propre compte en banque, de porter des pantalons, d’élever des enfants seules, mais toujours pas celui de ne pas porter la pancarte « en cas d’emmerdement familial, merci de vous adresser à cette personne, et à celle-là uniquement.»

Sophie a fini par s’accommoder des non-sens et du caractère ubuesque de la plupart de ses tâches quotidiennes. Elle considère son travail comme une plage horaire à remplir quotidiennement à la seule fin d’être récompensée par un salaire à la fin du mois.

Les autres vivent-ils comme ça ? Et surtout, en ressentent-ils la même frustration ? Elle n’a pas l’impression que sa mère et les femmes des précédentes générations se posaient cette question de leur couple amoureux, de leur vrai moi, et tout le tralala. Peut-être qu’elles en étaient plus heureuses, finalement ? Peut-être que le problème est d’avoir imaginé que l’on pourrait multiplier les rôles dans sa vie de femme, jonglant de l’un à l’autre avec aisance et légèreté (et le sourire), alors qu’il n’en est rien ? Au moins, les anciennes générations ne se berçaient-elles pas d’illusions, le chemin était tracé : tu te maries, tu fais des enfants, tu les élèves, tu restes fidèle à ton mari et tu t’en contentes, point. Peut-être avaient-elles moins de souci à ne pas chercher si leur sexualité était dans la moyenne française, si, comme le suggérait cette article de Elle, elles pratiquaient avec talent et application la « pipe, ciment du couple» et si leur orgasme était assez fort, assez fréquent, assez performant. Peut-être se cassaient-elles moins la tête à ne pas collectionner les lectures sur la « meilleure façon de jongler entre vie familiale et vie professionnelle » alors que la vérité est qu’on harmonise pas, on encaisse ?

Éditions Stock (Mai 2018)

270 p.

 

Prix : 19,00 €

ISBN : 978-2-234-08585-5

 


5 commentaires

Stephie · 28 février 2019 à 09h41

Un chouette premier roman, en effet ! Je lui en souhaite plein d’autres

estellecalim · 28 février 2019 à 10h19

Pas un coup de coeur non plus mais un très bon moment avec un roman grinçant qui permet de savoir qu’on n’est pas toute seule à penser et vivre les choses comme ça 😉

Jerome · 2 mars 2019 à 16h20

On dirait le pitch du Lulu femme nue de Davodeau. Du coup je vais en rester à la BD si ça ne te dérange pas ma chère Framboise 😉

Alex-Mot-à-Mots · 3 mars 2019 à 10h11

Si c’est un bon moment de lecture, je suis partante.

Karine · 4 mars 2019 à 02h46

Je me laisserai peut-être tentée quand j’aurai besoin d’un peu d’humour.

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