Ils emplissent ma vie, ces livres achetés que je ne lis pas. J’ai besoin d’eux. De mes bibliothèques de livres qui dorment et m’attendent. Ils sont le fruit d’un choix que j’ai posé, un jour de pluie battante, un matin d’hiver dans le brouillard, un soir de canicule aux trainées de vieux rose, juste avant la fermeture de la librairie. Ils sont le reflet de ce que j’ai cherché à un instant donné. Qu’ai-je cherché de moi chez un écrivain ? Des confrontations ? Je ne m’y suis jamais frottée. Des points de vue ? Je m’en suis passée. Puisque je ne les ai pas lus. Pourtant il me faut la présence de ces livres non ouverts. Un jour, dans une autre vie, une vie où je me connaîtrai parfaitement, je les lirai. Tous. Ils me diront ce que je ne suis pas. Ce que je n’ai jamais été. Ils me diront une chose essentielle : ce que j’aurais pu être.

Je suis incapable de résister aux romans qui parlent de livres. Impossible du coup de ne pas succomber à cette histoire où l’héroïne redonne vie à une mercerie en ruine pour y installer une librairie. Elle m’a plu dès le départ cette mystérieuse Leena, dès qu’elle a mis les pieds dans ce village paumé près de l’océan où on a tendance à regarder de travers les étrangers qui ne sont pas du coin. Elle m’a plu pour ses silences, cet élan qui semblait la pousser vers une nouvelle vie, son passé qu’elle semblait fuir. Elle m’a plu comme elle a plu aux villageois qui petit à petit adoptent son étrangeté et son mutisme qu’elle semble ériger comme une carapace.

Il faudra du temps pour la comprendre tout comme il lui faut du temps à elle pour se reconstruire. Dans cette mercerie qu’elle rachète sans crainte des travaux à y faire ni de l’argent que cela coûtera, Leena imagine une librairie un peu particulière. Une maison des phrases dans laquelle chaque lecteur et chaque lectrice pourrait trouver un écho à sa propre vie et y panser ses plaies. Un refuge où chaque question pourrait trouver une réponse des plus intimes. Un sanctuaire dédié à tous ces auteurs qui jalonnent une vie et la changent… Une librairie oui, dans ce coin empli de taiseux, battu par les vents et la pluie.

Voilà. Tout était parti de là. C’était cette phrase qui avait tout enclenché. Dans ce livre il y en avait de plus belles, de plus poétiques. Mais c’était sa phrase. Peu importait le contexte de l’histoire dans laquelle elle avait été placée. Peu importait même le personnage qu’elle décrivait. C’était à elle, à elle seule, que cette phrase était destinée. Elle était ce piano qui tombe sur un entrepôt de lustres en cristal du haut d’un clocher. Elle était cela : une voix singulière, étranglée, bafouée depuis des années, des milliards de lustres en cristal qui allaient se briser.

Quand vous trouvez votre phrase, plus rien d’autre n’existe.

En silence, Leena pose les premières pierres d’une aventure qui la mènera au cœur de l’Histoire,. Elle y trouvera un trésor inestimable et une façon de renouer le fil qui la relie à son frère et à son histoire familiale. Un camion rouge pompier, quelques tee-shirts blancs, des cahiers, un jardin des écrivains, des plateaux d’huitres, des amitiés improbables, du jazz, des maquettes d’avion de la première guerre…  La Calanque de l’Aviateur m’a offert une parenthèse de lecture comme je les aime. J’ai aimé m’y poser, prendre le temps, faire connaissance avec la plume d’Annabelle Combes qui souvent a fait écho. Et toutes ces références littéraires qui jalonnent le roman… quel régal ! On y croise Flaubert, Maupassant, Makine, Dostoïevski ou ce cher Baricco… une vraie gourmandise pour les amoureux des mots ! Une bien belle découverte de cette rentrée qui fait une bien fou, vous auriez tort de passer à côté. J’ai beaucoup, beaucoup aimé !

 

Éditions Héloïse d’Ormesson (Août 2019)

384 p.

 

Prix : 19,50 €

ISBN : 978-2-35087-543-9

 

By Hérisson 


16 commentaires

keisha · 27 septembre 2019 à 07h32

Pareil que toi, les livres qui parlent de livres;.. ^_^

Bidib · 27 septembre 2019 à 08h20

voilà qui donne envie. Mais ça risquerais d’être un de ces livre que j’achète et ne lis pas. Merci en tout cas pour la découverte, je note dans un coin de ma tête.

Nathalie · 27 septembre 2019 à 08h52

J’adoré également les livres qui parlent de livres… Livres que je collectionne, pour plus tard, pour après, pour ma retraite ? J’aime être entouré de livres… Alors je note celui-ci !

Yueyin · 27 septembre 2019 à 09h05

Miam un livre qui parlent de livres ☺ on est toutes (et tous) pareilles 😂

krol · 27 septembre 2019 à 09h45

Oh ces citations me parlent, me parlent fort ! Je n’avais jamais entendu parler de ce livre, je le note immédiatement. Merci Noukette pour l’avoir mis à l’honneur.

Alex-Mot-à-Mots · 27 septembre 2019 à 12h53

Merci à toi pour ce conseil de lecture. On sent que tu as aimé.

Aifelle · 27 septembre 2019 à 13h38

Déjà au premier extrait, on est cuite ! C’est noté et je ne doute pas d’y retrouver pas mal de sensations familières 😉

manU · 27 septembre 2019 à 23h13

Tout pour me plaire…

Amandine · 28 septembre 2019 à 15h33

Il donne envie de succomber.

gambadou · 29 septembre 2019 à 22h06

oh, je le note tout de suite, il me plait beaucoup de par son thème, son mystère et les références littéraires.

Jérôme · 1 octobre 2019 à 13h14

Un peu trop sucré pour moi peut-être, non ? :p

Antigone · 14 octobre 2019 à 19h58

Ouf j’ai finalement trouvé cinq minutes dans cette folle journée pour te laisser un commentaire et prendre ton lien. Il aurait été dommage de ne pas rajouter ce bien joli livre sur les livres dont je n’avais encore pas entendu parler !!!

Stephie · 15 octobre 2019 à 08h49

Voilà qui donne envie de mettre le nez dedans 🙂

Fanny · 15 octobre 2019 à 08h51

Je ne l’avais pas vu passer tiens!

eimelle · 26 janvier 2020 à 09h55

j’ai beaucoup aimé aussi!

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