Les jours succèdent aux jours, les trains aux trains. Dans leurs wagons plombés, agonisait l’humanité. Et l’humanité faisait semblant de l’ignorer. Les trains provenant de toutes les capitales du continent conquis passaient et repassaient, mais pauvre bûcheronne ne les voyait plus.

Ils passèrent et repassèrent, nuit et jour, jour et nuit, dans l’indifférence générale. Nul n’entendit les cris des convoyés, les sanglots des mères se mêlant aux râles des vieillards, aux prières des crédules, aux gémissements et aux cris de terreur des enfants séparés de leurs parents déjà livrés au gaz.

Il est précieux ce petit texte là. Précieux parce qu’il dit les choses sans les dire, trace des contours en faisant semblant de les esquisser et enrobe de formulations enfantines et naïves ce qui est bien loin de l’être. Évidemment, on peut penser à Matin brun dans la façon d’aborder la guerre et ses conséquences. Dans une moindre mesure, on peut aussi penser au film La vie est belle. On est pourtant loin de l’exercice de style et je ne crois pas que ce soit si simple de raconter l’horreur en choisissant le biais du conte. L’effet est en tous cas saisissant.

Et du coup, je me mets dans la tête de ces grands ados à qui je l’espère les enseignants seront nombreux à donner à lire ce texte. Et je crois savoir que son impact sera plus important que des documentaires ou des chiffres chocs qui finalement n’ont pas grande réalité pour eux. Avec ce conte, on va leur raconter une histoire. Une histoire terrible avec un pauvre bûcheron et une pauvre bûcheronne, un ballet de trains et un bébé tombé du ciel. Une histoire qui on le sait ne peut pas bien se terminer, du moins pour tous. Une histoire qui fera écho, justement, à ces images et ces chiffres difficiles à appréhender et à comprendre.

Loin de minimiser l’horreur et la cruauté, le conte de Jean-Claude Grumberg laisse son empreinte. Du conte à la réalité, il n’y a qu’un pas. L’auteur nous le fait franchir en toute simplicité. Son texte, d’une grande force, où chaque mot est à sa place, est hanté par tous ces disparus. Un conte pour ne pas oublier, jamais.

 

Prix spécial du jury du prix des Libraires 2019.

Prix des lecteurs L’Express/BFMTV 2019.

 

Les avis de Alexandra, Antigone, Joëlle, Nicole, Virginie

 

Éditions du Seuil (Janvier 2019)

Collection La librairie du XXIe siècle

109 p.

 

Prix : 12,00 €

ISBN : 978-2-02-141419-6 


8 commentaires

Nicolemotspourmots · 16 novembre 2019 à 12h07

J’ai l’impression d’être une des rares à ne pas avoir adhéré à la forme du conte, décidément…

Nathalie · 16 novembre 2019 à 14h30

Ouch… ça doit être raide quand même. Autant j’arrive à lire des tas de choses sur la première guerre mondiale sans rendre mon petit déjeuner, autant la deuxième… J’ai encore du mal.

Delphine-Olympe · 16 novembre 2019 à 22h19

A partir de quel âge le conseillerais-tu ?

Fanny · 19 novembre 2019 à 11h34

J’ai été agréablement surprise par ce conte.

Autist Reading · 19 novembre 2019 à 12h39

La forme du conte m’a tenu à l’écart jusque maintenant…

A_girl_from_earth · 20 novembre 2019 à 00h02

Une vraie petite merveille ce texte, je te rejoins complètement ! À recommander encore et encore !

Alex-Mot-à-Mots · 20 novembre 2019 à 10h30

Je suis complètement passée à côté de ce conte.

Géraldine · 21 novembre 2019 à 18h50

Je note. C’est vrai que la littérature est souvent bien meilleure enseignante que les livres scolaires… Quelque soit le sujet abordé… Car bien plus marquante.

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