Deuxième expérience de jurée pour le Prix du meilleur roman des lecteurs de Points après mon expérience d’il y a deux ans. Neuf romans reçus entre septembre 2017 et avril 2018, un jury composé de 40 lecteurs et de 20 libraires sous la présidence de l’écrivain Lydie Salvayre… et un gagnant qui a été dévoilé dernièrement et qui me ravit !
Une bouche sans personne de Gilles Marchand succède donc à L’enfant qui mesurait le monde de Metin Arditi, bravo à lui ! ♥
Neuf romans donc au lieu des douze annoncés. Six romans en langue française, trois romans traduits (Chine, Italie, USA), trois premiers romans dont deux déjà découverts dans le cadre des 68 premières fois… et un seul roman écrit par une femme ! Une sélection évidemment très éclectique mais où je dois reconnaître m’être moins retrouvée qu’il y a deux ans. Deux romans sortent vraiment du lot, deux me sont presque tombés des mains… et au milieu, un ventre mou de lectures qui je le sais ne resteront pas gravées dans ma mémoire même si certaines m’ont procuré un vrai plaisir de lecture. Toujours cette satisfaction par contre d’aller à la rencontre d’auteurs et d’univers à priori assez loin de mes lectures habituelles.
Comme il y a deux ans, je n’ai pas souhaité écrire des billets au fur et à mesure de mes lectures. Après la lecture in extenso de toute la sélection, j’ai eu besoin d’un peu de recul pour établir mon classement… même si mon chouchou s’est très vite imposé. Voici donc mon classement « inversé »… du roman qui m’a le moins plu à celui qui pour moi méritait de gagner ce prix (et qui l’a gagné…!)
9. Nous dormirons quand nous serons vieux de Pino Corrias
Je n’ai pas été loin d’abandonner ce roman tant il m’a agacée… Je suis tout de même allée au bout, en survolant parfois certains passages affreusement ridicules pour m’éviter une trop grande punition. Pourtant, je partais confiante. Une aventure délirante dans le monde sulfureux et pourri du cinéma italien, les romans réellement drôles se faisant de plus en plus rares, sur le papier c’était plutôt alléchant. Sauf que non. Langue trop parlée, vulgarité, suspense vite émoussé, enquête inintéressante, personnages risibles et caricaturaux… ce premier roman a été une grosse déception.
8. Pékin pirate de Xu Zechen
Je ne connais pas du tout la littérature chinoise et j’étais plutôt contente d’y mettre les pieds grâce à ce roman qui avait reçu pas mal de bons échos à sa sortie. L’histoire d’une rencontre entre deux marginaux qui tirent le diable par la queue et cherchent les moyens de tirer leur épingle du jeu en vendant des DVD pirates. L’écriture n’est pas désagréable, l’histoire pas inintéressante non plus et le roman permet de découvrir un aspect méconnu de la capitale chinoise. Deux mois après lecture, il ne m’en reste pourtant aucun souvenir…
7. Lucie ou la vocation de Maëlle Guillaud
J’avais lu ce premier roman à sa sortie grâce aux 68 premières fois. Je me souviens y être entrée à reculons pour finir par être complètement happée par cette lecture aussi fascinante que dérangeante. Un roman sans concessions qui décrit un monde qui semble régi par des règles d’un autre temps. Un monde où on s’oublie, un monde cruel théâtre de toutes les bassesses. Une lecture édifiante qui m’a permis de découvrir une jeune auteure de talent même si certains aspects et certaines personnalités auraient pu être plus approfondies.
6. Six degrés de liberté de Nicolas Dickner
De la littérature québecoise comme j’aime ! Je n’en attendais rien de particulier et je dois avouer que ce petit roman m’a procuré un vrai plaisir de lecture ! Original, plein d’humour, inattendu… si on ne lit pas la quatrième de couverture qui a le très mauvais goût de dévoiler toute l’intrigue ! Quel dommage ! L’histoire de Nicolas Dickner est profondément ludique quand on s’amuse à comprendre les liens entre les personnages et leurs véritables ambitions. Il y est question de piratage informatique, de containers maritimes, de désir de liberté, d’amitié… et vous n’êtes pas aux bouts de vos surprises !
5. Éclipses japonaises de Eric Faye
Très contente de trouver un roman de Eric Faye dans la sélection, auteur que j’avais découvert avec le très beau Nagasaki. Là encore, l’auteur s’attache à une réalité historique et fait naître des personnages qu’on a du mal à quitter quand on apprend à les connaitre. J’ignorais tout de ces femmes japonaises arrachées à leur vies et à leur pays pour être formées à devenir des espionnes pour le compte de la Corée du Nord. Des femmes fantômes obligées de mener des missions qu’elles n’ont pas choisies avec cet espoir un peu fou de pouvoir retrouver leurs vies volées. Passionnant.
4. Derniers feux sur Sunset de Stewart O’Nan
J’ai un faible pour Fitzgerald, un auteur que je connais bien pour l’avoir étudié. Loin de connaître toute sa vie, j’ai tout de même quelques repères en tête ce qui m’a permis de ne pas être perdue dans ce récit fictif des dernières années de sa vie, celle de sa lente chute après sa fulgurante ascension. Des repères qui peuvent avoir manqué à un certain nombre de lecteurs et je le comprends. Je reste séduite par le roman qu’en a fait Stewart O’Nan, découvert à l’aveugle avec Les joueurs. Une lecture qui fait écho au magnifique Alabama song de Gilles Leroy.
3. Histoire du lion Personne de Stéphane Audeguy
Un des tous premiers romans reçus et logiquement un des tous premiers lus. Encore aujourd’hui, c’est un roman qui me reste en tête. Fable animalière, conte philosophique… qu’importe après tout. La langue est belle et élégante et l’histoire, étonnante, nous entraîne sur les traces du lion Personne qui vécut entre 1786 et 1796 au Sénégal, puis en France. Et on se régale d’une telle simplicité, d’une telle délicatesse, d’une telle intelligence des mots. Magnifique et intemporel.
2. Avant que les ombres s’effacent de Louis-Philippe Dalembert
Impossible de lâcher ce roman une fois commencé ! Il y a d’abord la langue de Louis-Philippe Dalembert que je découvre, une langue pure, charnelle, imagée et généreuse qui enveloppe et plonge d’emblée le lecteur dans un temps qui n’est pas le sien. Romanesque dans le bon sens du terme, cette fresque foisonnante nous emmène d’Haïti à Paris en suivant le destin incroyable d’un juif polonais réfugié à Port-au-Prince. Le tout est tellement savoureux et bien écrit qu’il n’est pas étonnant que ce roman cumule déjà de si belles récompenses. Une vraie belle découverte !
1. Une bouche sans personne de Gilles Marchand
Une évidence. Le premier roman de Gilles Marchand, découvert à sa sortie, fait partie de ces pierres blanches dans ma vie de lectrice. Le genre de rencontre qui laisse des traces, qui fait éclore des sourires tout en faisant naître des larmes, qui dit le monde tout en le réinventant… Des silences, des secrets tus, une intimité que l’on partage… et cette histoire qui finit par se raconter et par relier les hommes. Je l’aime d’amour ce roman. Il est mon gagnant de cœur… et le grand gagnant de cette sélection ♥
17 commentaires
keisha · 8 juin 2018 à 07h09
Ah mais j’ai lu les 1, 2 et 8! Je me demande si ça vaut le coup de participer à ce prix.^_^
Virginie · 8 juin 2018 à 07h19
Je n’en ai lu aucun ! Mais je suis assez tentée par ton trio gagnant !
Nathalie · 8 juin 2018 à 07h35
J’ai beaucoup aimé le roman de Gilles Marchand .
Kathel · 8 juin 2018 à 07h43
J’ai lu les 1, 5 et 8 et « Avant que les ombres s’effacent » se trouve dans ma PAL… cette sélection me semble plutôt meilleure que celle du Livre de Poche il y a quelques années… Mais je ne demande plus à participer à des prix de lecteurs, c’est trop de contraintes.
hélène · 8 juin 2018 à 08h22
Ton classement ressemble sensiblement au mien, même si je n’aurais pas choisi « Une bouche sans personne » mais plutôt le Audéguy. Mais sans grand enthousiasme, j’ai été globalement déçue par le choix.
Fanny · 8 juin 2018 à 09h02
C’est cool il n’y a que le gagnant dans ma PAL 🙂
Alex-Mot-à-Mots · 8 juin 2018 à 11h48
Un roman qui sort vraiment du lot, alors.
Autist Reading · 8 juin 2018 à 14h53
On s’en serait douté (moi, en tout cas) : je n’en ai lu aucun. Et je dois même avouer qu’à part le O’Nan et le Marchand, je n’ai même pas entendu parler des autres .
Comme Kathel, j’ai été juré pour le Prix des Lecteurs du Livre de Poche il y a une dizaine d’années. Une expérience commencée avec enthousiasme et de curiosité mais qui m’a laissé un goût amer, et que je ne suis donc pas près de retenter…
Sylire · 8 juin 2018 à 21h54
Je n’ai lu aucun de ces titres. Je note tes deux préférés. Je me contente pour l’instant du Prix audiolib que j’aime beaucoup. Je lis aussi la sélection du prix replay (4 livres).
Alice · 8 juin 2018 à 22h34
Intéressante cette rétrospective après coup. J’ai beaucoup aimé le Gilles Marchand aussi et je comprends bien qu’il ait remporté le prix. Je note tes 2 et 3ème position qui me tentent bien.
gambadou · 10 juin 2018 à 18h48
J’aime beaucoup cet auteur, je note
Valérie · 10 juin 2018 à 20h56
Je n’ai lu que le 4 et le 5. Aucun ne m’a enthousiasmé mais j’avais aimé le thème du Faye. Je ne savais pas qu’on pouvait faire à nouveau partie du jury si peu de temps après. A vrai dire, l’année où j’y ai participé, la sélection ne m’avait pas emballée.
Violette · 10 juin 2018 à 22h00
Une bouche sans personne, ok, c’est noté, merciii
Sandrion · 10 juin 2018 à 23h05
C’est chouette pour toi d’avoir sélectionné en coup de coeur celui qui a eu le prix !!
krol · 10 juin 2018 à 23h27
Je n’ai lu que Eclipses japonaises et j’ai très envie de découvrir ton chouchou…
jerome · 13 juin 2018 à 12h55
Tu m’avais dit que Marchand était ton préféré dans la liste mais je croyais que ton total manque d’objectivité face à cet auteur ferait de toi une fan isolée. Au final je me suis trompé, tout le monde semble avoir adoré son roman autant que toi 🙂
PS : promis je lis « Une bouche sans personne cet été !
dasola · 13 juin 2018 à 21h52
Bonsoir Noukette, j’en ai lu un, Eclipses japonaises il y a 2 ans (en grand format), j’avais beaucoup aimé et j’avais ainsi découvert une page d’histoire assez tragique pour les protagonistes. Je note le vainqueur. Bonne soirée.