Je ne pouvais pas terminer cette semaine spéciale Marie Desplechin sans lire le roman qui l’a fait connaître au public « adulte » en 1998. Ce roman avait fait grand bruit à l’époque, et effectivement, c’est un livre choc. Une histoire dont on ne ressort pas indemne et qui ébranle nombre de certitudes, une histoire intime, émouvante, souvent poignante qui peut parfois mettre mal à l’aise. Une histoire dont on ne peut oublier les deux héroïnes tant on entre dans leur quotidien et leur intimité et ce dès les premières pages lues.
On ne connaîtra jamais le prénom de la narratrice. Juste que c’est une mère divorcée, qu’elle a deux enfants et qu’elle travaille comme journaliste free-lance sans grand plaisir. Ce qu’on sait surtout, c’est qu’elle partage son appartement avec la jeune Olivia, arrivée là un peu par hasard, échouée plutôt. Sur les conseils d’amis, la mère de famille a donc « embauché » la jeune femme paumée pour s’occuper de ses enfants à la sortie de l’école, en contrepartie, la baby-sitter loge dans une petite chambre de bonne à l’étage, a les clés de l’appartement et partage leurs repas. Dans les faits, Olivia est tout le temps là et toute l’organisation de la petite famille repose sur sa présence, et bien plus encore. Petit à petit, par bribes, on en apprend en peu plus sur Olivia. Enfant de la DDASS, brinquebalée de part et d’autre, elle a connu la drogue, la prostitution, la violence et il est bien difficile de savoir si elle s’en est vraiment sortie. Écorchée vive, cabossée par la vie, Olivia est pourtant une jeune femme gaie, naïve, énergique et bourrée d’optimisme. L’air de rien, sans s’en rendre vraiment compte, elle se rend indispensable et inoubliable. Femme enfant, séductrice, attachante, drôle, généreuse, Olivia ne laisse personne indifférent. L’amitié qui va la lier à la narratrice est très forte car finalement, le mal-être de l’une fait écho à la dépression de l’autre. Drôle de duo, chacune à sa façon se bat pour sa survie, l’une soutenant l’autre, question d’équilibre…
J’ai été très touchée par cette histoire d’amitié hors-normes même si parfois je me suis sentie déstabilisée. On entre de plein pied dans l’histoire et dans le quotidien des deux femmes, et la narration à la première personne n’aide pas à prendre du recul. Toute l’histoire se passe à l’intérieur de l’appartement, le lecteur finit par connaître parfaitement les moindres habitudes de ses occupants. Les dialogues tiennent une place importante et grâce à eux, et en même temps que la narratrice, on en apprend un peu plus chaque fois sur le passé d’Olivia. J’ai aimé ces portraits croisés de femmes à la dérive, j’ai aimé leurs failles, leurs faiblesses, leur détresse parfois, car finalement l’espoir n’est jamais absent. Pourtant certains passages sont très durs et laissent un goût amer… La nature humaine en prend un sacré coup, malgré cela je ne peux m’empêcher de penser que ce roman est profondément optimiste. J’ai découvert ici Marie Desplechin sous un autre jour, l’écriture est plus âpre, l’univers est plus sombre, plus cruel mais aussi plus vivant, sensible. Un roman doux-amer qui ne laissera personne indifférent.
L’avis plus mitigé d’Eloah
Premières phrases : « Merci, j’en reprendrais bien, a dit Olivia en attrapant le manche de la casserole. Il faut que je t’avoue un truc. Je devrais manger moins, je grossis comme une outre. Tu te souviens quand je suis arrivée, là, en septembre, chez toi ?
Oui, ai-je répondu. On n’est quand octobre après tout.
Bon, eh bien, à ce moment-là, il faut que je te le dise, je n’avais pas arrêté la dope, je le reconnais. »
Au hasard des pages : « Je m’explique, d’un coup, les purs sourires d’Olivia, son coeur inépuisable. Cette fille est une nonne, une nonne primitive, mais une nonne quand même. Son coeur est interdit aux unions égoïstes. Tout l’amour qu’elle possède, c’est à nous qu’elle le donne. A moi, aux enfants, à ses neveux, à Amélie, et au premier traîne-savate venu, à qui elle offrira sa chambre et huit cents balles. Elle pardonne au méchant, qu’elle appelle le gentil. Elle ne juge pas les bourreaux, ni ne les condamne. Il n’y a dans son âme aucune place pour la haine. Ce charme qu’elle dispense autour d’elle, qui rayonne et nous réchauffe, c’est la grande bonté des dingues et des mystiques. De la nonne, elle a l’enthousiasme. La joie. La confusion. Le manque de discernement. Le baiser au lépreux. Pour peu qu’ils ne basculent ni dans la folie ni dans le crime, les plus éprouvés d’entre nous accèdent à la sainteté. Je vis avec une sainte. » (p. 193)
Éditions Points Seuil (Octobre 1999)
251 p.
Récapitulatif des billets des autres participants
chez Stéphie !
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20 commentaires
Commentaire n°1 posté par Stephie · 24 avril 2011 à 09h31
Pas pu tout lire cette semaine, tu t’en doutes. Mais je lirai ce titre un jour, c’est certain.
Noukette · 27 avril 2011 à 00h29
Celui là je voulais vraiment le lire alors je l’ai gardé pour la fin ! 😉
Commentaire n°2 posté par lucie · 24 avril 2011 à 09h31
voilà une semaine que je ne suis pas passée par là et que vois je ? un challenge special marie desplechin !! j’aime beaucoup cette auteure dont j’ai lu Verte et Pome et dont d’autres titres sont sur ma LAL. J’aime aussi l’idée d’enchaîner la lecture des romans d’un même auteur, cela permet de mieux appréhender le style de l’auteur, de se plonger dans ses univers.
Noukette · 27 avril 2011 à 00h30
C’était une chouette semaine oui, qui m’a permis de découvrir un peu mieux une auteure que je pensais connaître. Je n’avais pas lu ce qu’elle avait écrit pour les adultes, une facette que j’ai appréciée !
Commentaire n°3 posté par lucie · 24 avril 2011 à 09h33
le journal d’aurore aussi m’avait fait beaucoup rire !!!
Noukette · 27 avril 2011 à 00h31
Absolument génial et hilarant ! 😉
Commentaire n°4 posté par Géraldine · 26 avril 2011 à 21h39
Le pitch me tente et comme je n’ai encore rien lu de cette auteur bien remarquée sur la blogo ces temps ci, c’est avec ce titre que j’irai sans doute vers elle.
Noukette · 27 avril 2011 à 00h44
C’est le titre qui l’a fait connaître en tous cas, un sujet fort et bien traité je trouve si on n’est pas rebutté par le style dialogué qui prend beaucoup de place dans le roman.
Commentaire n°5 posté par blueverbena · 27 avril 2011 à 19h29
Je ne connais pas mais alors pas du tout Desplechin… celui là me dit bien par exemple mais quel est ton préféré: par lequel me proposerais tu de la découvrir?
Noukette · 27 avril 2011 à 23h34
J’aime énormément ce qu’elle fait pour les plus jeunes, c’est vraiment bon ! Verte ou Le journal d’Aurore notamment, très sympa ! Celui ci fait partie de ses succès « pour les grands », adapté au ciné d’ailleurs, le style dialogué peut rebuter mais personnellement j’ai beaucouop aimé !
Commentaire n°6 posté par Fanny · 30 avril 2011 à 13h51
Ca me tente bien… tu l’avais pris à la bibli ou acheté? 😉
Noukette · 4 mai 2011 à 23h44
Emprunté… Je te l’aurais volontiers prêté sinon ! 😉
Commentaire n°7 posté par pimprenelle · 3 mai 2011 à 09h26
Je suis bien décidée à relire l’auteur, malgré ma déception concernant le sac à main, et je suis assez tentée par ce titre!
Noukette · 5 mai 2011 à 00h17
C’est un de ses plus gros succès !
Commentaire n°8 posté par Zouz · 3 mai 2011 à 20h10
il faut vraiment que je découvre cette Marie Desplechin pour adultes… =)
Noukette · 5 mai 2011 à 00h19
C’était une première pour moi, et une première plutôt réussie ! 😉
Commentaire n°9 posté par Hazel · 4 mai 2011 à 00h43
Bonsoir,
Le Hangar est une communauté littéraire et artistique qui a pour but de réunir des lecteurs, des amateurs d’art et des artistes à travers les différents articles postés sur le site où se mêlent critiques littéraires, cinématographiques, musicales mais aussi – et surtout ! – vos créations : des poèmes, des nouvelles, mais aussi des séries de photos, des peintures, ou des articles où vous souhaitez partager ce que vous faites.
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Cordialement,
Hazel du Hangar.
Noukette · 5 mai 2011 à 00h22
Merci de votre proposition mais mon blog me prend déjà beaucoup de temps.
Commentaire n°10 posté par Liyah · 5 mai 2011 à 14h02
Il est dans ma PAL depuis pas mal de temps mais je n’ai pas encore eu l’occasion de le lire !
Noukette · 6 mai 2011 à 00h11
C’est un bon roman, j’ai beaucoup apprécié cette lecture !