Chaque année c’est la même chose, j’accumule un certain nombre de romans lus orphelins de chroniques…  Des pavés de l’été, des coups de cœur, quelques romans de la rentrée littéraire lus dans la frénésie de septembre. Par manque de temps, parfois par manque d’envie, souvent parce que je me demandais quoi en dire qui n’avait pas déjà été dit ou au contraire parce que je ne pensais pas trouver des mots à la hauteur. Une petite dizaine de livres sur lesquels je n’ai pas posé de mots et parmi eux de vrais coups de foudre…

Le temps passe. 2019 verra peut-être naître des billets sur certains d’entre eux mais histoire qu’ils ne tombent pas trop vite dans l’oubli et pour remettre les compteurs à zéro… retour sur ces romans oubliés qui méritent plus qu’un petit coup de projecteur…!

 

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Catégorie « Ils resteront gravés »

N’essuie jamais de larmes sans gants de Jonas Gardell, Gaïa, 2018

La mémoire est une chienne indocile de Elliot Perlman, Robert Laffont, 2013

Débâcle de Lize Spit, Actes Sud, 2018

 

Comme chaque année, j’avais soigneusement choisi mes « pavés de l’été ». Pas forcément en fonction de leur nombre de pages mais pour leur haut potentiel émotionnel. Du moins ce que je pouvais en imaginer. Ces romans là, je les attendais. Je voulais prendre le temps. Leur accorder toute mon attention. Vivre dedans. Et ce fut un tsunami…

N’essuie jamais de larmes sans gants étais mon Everest, l’équivalent de Confiteor en son temps. Il m’a dévastée. Et je suis tombée en amour pour tous ces hommes. J’ai aimé Rasmus et Benjamin. J’ai aimé toute leur famille de doux dingues. Et j’ai pleuré avec eux, beaucoup. On ne peut qu’être profondément changé à la lecture de ce roman. Dire l’amour, la mort, le désir, la maladie, la mémoire avec tant de force.. c’est au delà des mots. Urgent et essentiel ♥

Je pense que le coup de foudre pour le Gardell a eu un impact fort sur mes lectures suivantes. Encore sous le choc, il m’a fallu du temps pour accrocher à La mémoire est une chienne indocile, lu dans la foulée. J’ai peiné pendant le premier quart. Trouvé quelques longueurs. Attendu de voir réapparaitre certains personnages que je jugeais éclipsés par d’autres… jusqu’à ce que les fils s’imbriquent, que les histoires se mêlent, et que je ne puisse plus lâcher ce roman dense, foisonnant et absolument brillant sur la transmission et le devoir de mémoire. Un roman virtuose qui fera date ♥

Et que penser de Débâcle ? Le pire c’est que je ne pense pas pouvoir dire de ce roman que c’est un coup de cœur. Il m’a dérangée. Mise profondément mal à l’aise. Un peu comme sa couverture en fait, on ne peut mieux choisie. Il y a tellement de choses qui m’ont agacée dans ce roman. Tellement de choses aussi qui m’ont comme hypnotisée. Tout est une question d’atmosphère. Beaucoup de lourdeur, des non-dits qui pèsent lourd, une narration à priori décousue qui prend tout son sens au fur et à mesure que le fil se déroule, que la tension monte, que le passé étouffe. Un premier roman perturbant qui laisse un goût âpre en bouche .

 

Catégorie « Belles rencontres de la rentrée »

K.O. de Hector Mathis, Buchet-Chastel 2018

Simple de Julie Esthève, Stock, 2018

Quand Dieu boxait en amateur de Guy Boley, Grasset, 2018

 

Un des petits plaisirs égoïstes de l’été, pouvoir découvrir un peu avant les autres ces romans qui feront parler d’eux à la rentrée. Ce bonheur de retrouver des plumes aimées, d’en découvrir d’autres, de voir immerger des voix. Parmi les premiers que j’ai pu découvrir, ces trois romans là m’ont particulièrement marquée.

K.O, un premier roman dont la langue m’a éblouie. Je fais partie de ceux qui ont été embarqués dès les premiers mots dans ce voyage hallucinatoire à mi chemin entre le rêve éveillé et le pire des cauchemars. Sitam. Dans ses veines, l’amour fou du jazz et des mots. Ceux des autres, ceux qui vivent en lui. Et dans son cœur, la môme Capu. La musique de ce roman est incroyable. La voix qui s’élève de celles qu’on n’oublie pas. L’errance, la création et la littérature y sont sublimés.

J’ai aussi fait la rencontre d’Antoine. Antoine le Simple et sa chaise. Son innocence, son parler vrai et son incroyable poésie. Je découvre aussi le talent de Julie Esthève, et ce n’est pas peu dire. Elle donne vie à un monde. Porte un regard tendre mais sans concession sur les hommes et leurs travers. Leur trouve un prince sans couronne. Et touche au plus près de l’émotion. Violent. Troublant. Intense.

Je n’avais pas ressenti d’empathie particulière pour les personnages de Fils de feu, le premier roman de Guy Boley. Impossible pourtant de ne pas être subjuguée par le grâce, l’élégance et la force d’évocation de cette langue scandée et presque lancinante. Avec Quand Dieu boxait en amateur, l’auteur m’a touchée en plein cœur. Cet hommage au père disparu, ces mille vies en une, cette réflexion sur les espoirs déçus et les chemins qu’on se choisit… ça comble les vides et ça fait forcément écho à quelque chose qui bat en nous. Simplement beau.

 

Catégorie « Coups d’amour »

Funambules de Charlotte Erlih, Grasset, 2018

Le poids du monde est amour de David Thomas, Anne Carrière, 2018

Éloge des fins heureuses de Coline Pierré, Monstrograph, 2018

 

Et puis il y a ces livres qui font du bien. Qui réveillent quelque chose en nous. Qui mettent des mots sur des émotions, trouvent parfois des réponses aux questions qu’on ne se pose même pas. Un roman, des nouvelles, un essai. Ils sont mes bonbons de l’année.

De Charlotte Erlih, je ne connaissais que ses romans écrits pour la jeunesse. Dont le magnifique Highline auquel ce Funambules, premier roman « adulte » fait écho. On y retrouve cette belle métaphore que ce fil qui éloigne du monde mais qui curieusement ramène à l’essentiel. Ada et Judith sont elles aussi des funambules, en équilibre instable au-dessus du vide. Comme Julien, cet acrobate génial et insaisissable. Ça a l’air léger, ça ne l’est pas. Construction virtuose et inventive, subtile mise en abyme. C’est virevoltant, ça réveille, ça bouscule. Et ça rend vivant.

Ce bonheur fou de retrouver David Thomas et sa façon de voir le monde. Une appréhension quand même d’y retrouver toujours les mêmes choses, cette peur que l’auteur se mette à tourner en rond en racontant les hommes et leurs travers. Mais non. On se surprend à se retrouver dans toutes ces petites histoires qui nous racontent. Cent histoires sur le couple, l’amour qui va, qui vient, qui part, qui s’installe, qui fuit, qui caresse, qui brutalise, qui réveille et qui endort… Le poids du monde est amour et c’est David Thomas qui en parle le mieux.

Éloge des fins heureuses de Coline Pierré ou le bonheur à l’état brut caché sous une couverture jaune étincelante. Et je dis oui à tout. A ce portrait en creux de l’écrivain, à ce besoin viscéral de donner sens au monde, pour le rendre meilleur ou simplement plus beau. A cette envie de réenchanter le monde. A ce regard bienveillant, presque innocent, de l’enfant qui le découvre et pense encore pouvoir le changer. Ça fait du bien et ça donne envie d’écrire, à corps perdu. Vive les rêveurs ♥

 

Voilà. Ces livres là aussi ont fait mon année. Je vais pouvoir tourner sereinement la page de 2018 et aborder avec gourmandise et curiosité les lectures qui feront 2019 ! J’en emmène quelques uns avec moi, du beau, du doux, du grand… je crois. Les tentations de la rentrée d’hiver arriveront bien assez tôt 😉


9 commentaires

Marie-Claude · 29 décembre 2018 à 04h18

J’aime le poids des mots de ces chroniques oubliées. Droit au but, droit au coeur.
« La mémoire est une chienne indocile », que oui!
« Débâcle » figure dans mon bilan annuel. Un premier roman époustouflant et terriblement troublant.
Pour le reste, je suis de plus en plus tentée d’aller à la rencontre d’Antoine! Je n’attendrais peut-être pas la parution en poche de « Simple »!

Fanny · 29 décembre 2018 à 08h16

❤ Rasmus et Benjamin. Tu t’en souviendras encore longtemps.

Nathalie · 29 décembre 2018 à 08h27

Hum… Je n’en ai lu aucun… Mais tu m’as donné envie d’en lire certains !

Jerome · 29 décembre 2018 à 09h07

N’essuie jamais de larmes sans gants est celui qui me tente le plus dans cette liste, et de loin !

krol · 29 décembre 2018 à 12h27

Je partage entièrement tes mots pour N’essuie pas… et La mémoire…, en revanche, je n’ai pas accroché du tout à K.O. et j’ai été à peine émue par Simple… Mais finalement, avec ce genre de billet, tu vas à l’essentiel et c’est bien !

Virginie Vertigo · 29 décembre 2018 à 13h57

J’adore tes chroniques oubliées. J’en ai quelques unes aussi mais un peu la flemme d’en parler.
Quatre livres lus en commun.
Le « Débâcle » me tente et puis finalement pas acheté. Tu m’intrigues avec « N’essuie jamais de larmes sans gants ».

DIDI · 29 décembre 2018 à 15h45

Belles chroniques oubliées ♥
Pour ma part quand je fais pas de billet c’est que la plupart du temps je n’ai pas aimé…
J’adore ce titre et la façon dont tu nous racontes ces découvertes littéraires.
Autant de pépites qui jalonneront mes futurs lectures !
Merci et belle fin d’année 2018 en attendant les vœux de l an 9
Bisous

Autist Reading · 29 décembre 2018 à 17h58

Je comprends pourquoi les 3 premiers vont rester gravés ;-D (même si pour moi le Perlman est un peu en-dessous)

Ingannmic · 5 janvier 2019 à 15h08

Bonjour Noukette,
Je te rejoins complètement sur Débâcle, que j’ai placé sur la première marche de mon podium 2019, mais que l’on a du mal à définir comme un « coup de cœur ». Un roman qui empoisse et bouscule, d’une force peu commune.. De même, La mémoire est une chienne indocile a été un grand moment de lecture, et avait marqué mon année 2015. J’ai lu depuis Ambiguïtés, du même auteur, que j’ai beaucoup aimé aussi. Je note le Gardell, qui semble être aussi un texte fort.

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