Les repas de famille. Ceux où il faut cultiver l’art de la dissimulation. Ceux où il est préférable de garder un sourire de façade pour ne pas froisser la maîtresse de maison qui couve son petit monde d’un regard protecteur. Ceux où les convives heureux de partager ce moment précieux jouent des coudes pour parler d’eux sans jamais prêter d’oreille attentive aux petits et grands problèmes existentiels des voisins de table. Une valse lente de moments convenus où le temps s’étire entre l’apéritif et le dessert, meublé par des conversations immuables dont les sujets reviennent au rythme des saisons…
Adrien y est habitué et se plie à l’exercice. Ici, rien ne change. Avec ses quarante ans au compteur, il continue de se gaver de tic-tac pour camoufler l’odeur de cigarette et de mentir sur ses conquêtes féminines. Pas de vagues. De toute façon, sa vie amoureuse est au point mort. Sonia fait une pause. Trente-huit jours que ça dure. Et aucune nouvelle. Alors Adrien a craqué et a fini par rompre le silence avec un SMS. « Coucou Sonia, j’espère que tu vas bien, bisous ! » Ce message elle l’a vu. Lu. Et toujours pas de réponse… Fébrile, Adrien guette la moindre vibration de son téléphone. C’est ce moment que choisit son beau-frère pour lui demander de faire un discours lors de son prochain mariage avec sa sœur…
Un gratin dauphinois, une encyclopédie sur les primates, un CD de Claude Barzotti, une discussion surréaliste sur les avantages du chauffage au sol, des digressions à tire-larigot, une réflexion sur l’usage abusif du point d’exclamation, une phobie des feux de cheminée virtuels… Adrien subit et devient malgré lui spectateur de sa propre vie. Désespérément lucide, finalement beaucoup plus les pieds sur terre que l’on pourrait le penser, il se débat entre ses obsessions, ses observations mi-pathétiques mi-amères sur ceux qui l’entourent et les embryons de discours qui lui viennent à l’esprit. Une situation inconfortable qui exacerbe cette sensation du narrateur de ne jamais être à sa place.
Intrus, imposteur, loser…? Rien de tout ça finalement. Adrien est un anti-héros incroyablement attachant. Pathétique, désabusé, lucide et émouvant. Et plus ça va, plus on l’aime…! Ce miroir qu’il nous tend, ce regard tendre et juste sur nos névroses… ça en fait naître des sourires, des petits pincements au cœur aussi parfois. De la tendresse qui déborde sous le cynisme apparent… du Fabcaro pur jus comme on l’aime !
Une lecture hautement réjouissante qui a suscité de nombreux échanges avec The autist reading avec qui j’ai pris un plaisir fou à partager cette première lecture en duo !
Les avis d’Agathe, Delphine, Delphine-Olympe, Loupbouquin, Sabine…
Et aussi, des bulles à faire pétiller… Zai zai zai zai – Pause – Et si l’amour c’était aimer ? – Moins qu’hier (plus que demain)
Je me demande alors quelle citation je mettrais, moi, dans mes toilettes si toutefois j’y étais contraint un jour pour une raison que j’ai encore du mal à imaginer. Et je crois que Cioran serait tout indiqué : Une seule chose importe, apprendre à être perdant. Voilà ce que je mettrais aux toilettes, dans le salon, dans la cuisine à la place de la bite en contreplaqué, aux frontons des mairies, sur chaque panneau de signalisation, sur les banderoles des manifs, au-dessus du tableau noir de chaque école primaire, accompagné d’une photo de dauphin échoué sur la plage, grouillant de mouches vertes.
Éditions Gallimard (Octobre 2018)
Collection Sygne
208 p.
Prix : 16,00 €
ISBN : 978-2-07-281849-3
By Hérisson
13 commentaires
Nathalie · 17 novembre 2018 à 08h09
Je l’avais déjà repéré celui-ci ! Et ton avis me porte à croire qu’il me plaira.
Delphine-Olympe · 17 novembre 2018 à 08h43
Un vrai bonheur, ce livre ! Et qui a plus de profondeur qu’il n’y paraît de prime abord.
clara · 17 novembre 2018 à 11h02
Là tu me tentes !
Amandine · 17 novembre 2018 à 11h36
Je ne connais pas cette facette de Fabcaro, mais je suis curieuse de le lire dans cet exercice.
krol · 17 novembre 2018 à 13h15
Et oui, il faudra bien que je le lise un jour…
sylire · 17 novembre 2018 à 19h48
Vous êtes enthousiastes tous les deux. Je vais l’offrir !
Antigone · 18 novembre 2018 à 11h11
Tu m’as donné envie, exactement le genre d’histoires que j’aime !
Didi · 18 novembre 2018 à 12h27
Coucou,
nouveau duo féminin masculin 😉 avec ICB
Merci pour vos avis tentants et réciproque
Bisous bon WE
Violette · 18 novembre 2018 à 17h56
Bien sûr que je l’ai déjà noté mais je l’avais presque oublié. On ne peut pas ne pas le lire:))
Jerome · 18 novembre 2018 à 18h36
Fabcaro romancier, forcément ça interpelle et ça donne envie d’y regarder de plus près.
gambadou · 18 novembre 2018 à 21h20
Un auteur qu’il faut vraiment que je découvre
Alex-Mot-à-Mots · 19 novembre 2018 à 14h16
Avec Fabcaro, je fonce (presque) les yeux fermés.
dasola · 30 novembre 2018 à 10h42
Bonjour Noukette, je compte bien lire ce roman recommandé par des libraires, des critiques et des blogueurs comme toi. Il semble que c’est vraiment très bien même si je ne connais cet écrivain. Bonne journée.